Contrôle fiscal des entreprises : les clés pour se préparer au mieux
Posté le 2 juillet 2024
En matière de contrôle fiscal, on peut définir 3 axes principaux :
- le contrôle fiscal international : prix de transfert, activités occultes en France, montages pour délocaliser la matière imposable ;
- la finalité répressive et pénale : application de pénalités, dénonciations obligatoires et plaintes auprès des autorités judiciaires ;
- le recouvrement des suppléments d’imposition.
À noter. Parmi les objectifs publics cibles définis dans les « Objectifs et indicateurs de performance » annexés au projet de loi de finances pour 2024, il était indiqué que la moitié des contrôles fiscaux devait être issue des algorithmes de l’intelligence artificielle en 2024.
Quelques statistiques
Attention : les contrôles sont concentrés sur les PME et les grandes entreprises.
À noter. Ces informations sont publiées chaque année en annexe au projet de loi de finances dans le document de politique transversale « Lutte contre l’évasion fiscale et la fraude en matière d’impositions de toutes natures et de cotisations sociales ».
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Identifier les différents interlocuteurs en cas de contrôle fiscal
Le vérificateur, l’interlocuteur de premier niveau
C’est avec le vérificateur que se déroulent les échanges techniques sur les éléments factuels, dans le cadre, par exemple, de réponses aux questionnaires : transmission des fichiers des écritures comptables (FEC), documentation sur les prix de transfert, justification d’écritures comptables, déductibilité de provisions, chiffrages, etc.
Son analyse est soumise au visa du chef de brigade. Un vérificateur réalise environ 8 contrôles par an.
Le chef de brigade, un rouage essentiel
Le chef de brigade encadre les vérificateurs. C’est lui qui décide de l’application de pénalités. Son analyse peut en revanche être liée aux consignes de sa direction et son pouvoir peut être assez réduit dans le cadre d’affaires à forts enjeux financiers.
Si un vérificateur prend une position inédite qui procède d’une interprétation extensive d’un texte, l’entreprise doit s’adresser au chef de brigade pour clarifier la situation.
L’interlocuteur départemental, garant d’une vision d’ensemble
L’interlocuteur départemental se fonde sur les travaux de la brigade. Il peut faire réaliser une analyse complémentaire si nécessaire. Il peut également maintenir ou abandonner la position. Il doit enfin asssurer la cohérence des positions au sein du service.
Les directions de contrôle peuvent avoir des positions arrêtées sur certains sujets, notamment en matière de prise en charge des charges déductibles de la CVAE, de TVA, ou de contrôle des charges financières. Dans ces situations, il peut être utile d’échanger directement avec l’interlocuteur départemental plutôt qu’avec le vérificateur et/ou le chef de brigade.
À noter. Le Service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal (SJCF) est un service indépendant qui peut décider de réexaminer une position. Il intervient surtout dans des situations exceptionnelles, à forts enjeux financiers. Toutefois, il n’existe pas de droit à réexamen.
Les directions à compétence nationale
Trois directions sont spécialisées dans les opérations de contrôle fiscal les plus importantes et exercent des missions sur l’ensemble du territoire : la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI), la direction nationale d’enquêtes fiscales (DNEF) et la direction des vérifications de situations fiscales (DNVSF).
Deux autres directions ont une compétence nationale et ont, parmi leurs attributions, une mission de contrôle fiscal de certaines catégories de contribuables ou d’opérations qu’elles exercent concurremment avec les autres services : la direction des grandes entreprises (DGE) et la direction des résidents à l’étranger et des services généraux (DRESG).
Appréhender les sources d’informations de l’administration fiscale
Les outils de l’administration
L’administration dispose de nombreux instruments de collecte d’informations externes à l’entreprise qu’elle peut mobiliser pour obtenir ou vérifier des informations :
- le droit de communication qui permet d’obtenir communication de documents et de renseignements obtenus par des tiers afin d’effectuer le contrôle des déclarations souscrites par les contribuables (LPF art. L 81). Son champ d’application est très étendu. Ainsi, pour l’établissement de l’assiette et le contrôle de l’impôt, le droit de communication peut porter sur des informations relatives à des personnes non identifiées, dans les conditions fixées par l’article R 81-3 du LPF ;
- les informations en provenance d’autres juridictions fiscales : échanges automatiques (déclarations pays par pays, données TVA, etc.) ou demandes d’assistance administrative ;
- les informations tirées d’autres procédures de contrôle ;
- les informations en provenance d’aviseurs : il s’agit d’une procédure très encadrée dans la mesure où l’administration n’en tient compte que si l’aviseur est bien identifié (et non pas anonyme) ; on rappelle que l’obtention par l’administration fiscale de renseignements émanant d’aviseurs fiscaux peut donner lieu à indemnisation des intéressés lorsque ces informations ont permis la mise au jour de comportements frauduleux (LPF art. L 10-0 AC). Sont concernés certains manquements aux règles fixées en matière de fiscalité internationale et en matière de TVA, mais également tout type de fraude dès lors que le montant estimé des droits éludés est supérieur à 100 000 € ;
- les perquisitions administratives ou judiciaires : ces dernières peuvent intervenir à tout moment, y compris pendant une procédure de contrôle.
Attention. Toute entreprise doit tenir compte de l’existence de ces instruments dans la stratégie de réponse à apporter lorsqu’elle fait face à un contrôle fiscal.
L’administration effectue sa mission de contrôle dans un cadre légal défini. Elle applique des textes en fonction de situations factuelles. La seule marge réelle de manoeuvre résulte dans la qualification juridique des faits et l’interprétation des textes.
Par ailleurs, les moyens de contrôle de l’administration se sont perfectionnés, notamment avec le recours au datamining, permettant de détecter plus facilement les cas courants de fraude. Selon le Rapport d’information Sénat n° 72 du 25-10-2022, 55 flux de données, sous 7 formats différents et représentant au total 6,2 To d’informations utiles sont actuellement transmis à l’administration.
Ce qui déclenche un contrôle fiscal
Les entreprises doivent anticiper ce qui provoque un contrôle, ce qui va leur être demandé et comment bien y répondre. Parmi les questions posées à l’administration fiscale, on peut recenser les questions classiques, c’est-à-dire celles qui sont fréquemment posées, et les autres, souvent liées à des problématiques plus spécifiques.
Questions classiques |
Autres questions |
Comptabilité : transmission des FEC, justification des provisions, amortissements, charges, résultat fiscal, etc. |
Traitement fiscal d’opérations effectuées par d’autres entités |
Politique de prix |
Déclarations |
Modalités d’exercice de l’activité commerciale, |
Communication |
Attention. L’administration peut effectuer des tris, classements, ainsi que tous calculs permettant de vérifier la concordance entre la copie des FEC et les déclarations du contribuable. Elle peut également effectuer des traitements informatiques sur les fichiers, autres que les FEC, transmis par le contribuable. Les fichiers peuvent également être adressés à l’administration sur supports physiques (clef USB, CD-ROM, etc.) par voie postale ou de dépôt dans les locaux du service (BOI-CF-DG-40-20 n° 350).
Économie numérique : les nouveaux outils de l’administration Face au développement de l’économie numérique et des communications en ligne, l’administration peut mener de nouvelles investigations sur internet. Ainsi, l’article 112 de la loi de finances pour 2024 permet aux agents des impôts de mener sur internet des enquêtes ciblées sous pseudonyme pouvant comporter des interventions actives (Loi 2023-1322 du 29-12-2023 art. 112, codifié à LPF art. L 10-0 AD). Les enquêtes doivent porter sur certaines infractions déterminées, telles que, notamment, le défaut ou le retard de déclaration en cas de découverte d’une activité occulte, des insuffisances de déclaration délibérées ou liées à un abus de droit ou à des manoeuvres frauduleuses, le défaut de déclaration des comptes ou contrats d’assurance-vie détenus à l’étranger. Par ailleurs, l’article 154 de la loi 2019-1479 du 28-12-2019 a autorisé, à titre expérimental, les administrations fiscale et douanière à collecter et exploiter, au moyen de traitements informatisés et automatisés, les contenus librement accessibles sur les sites internet des opérateurs de plateforme en ligne, manifestement rendus publics par leurs utilisateurs afin de détecter certaines infractions. En matière fiscale, les infractions qui peuvent être actuellement recherchées dans le cadre de l’expérimentation concernent le défaut ou le retard de déclaration lié à l’exercice d’une activité occulte ainsi que les insuffisances de déclaration délibérées ou frauduleuses résultant du non-respect des règles de domiciliation fiscale. L’article 112 de la loi de finances pour 2024 a élargi le champ de l’expérimentation aux insuffisances de déclaration découlant d’une minoration ou d’une dissimulation de recettes effectuée délibérément ou de manière frauduleuse. Initialement prévue pour 3 ans, l’expérimentation est prolongée pour une durée de 2 ans.
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Recourir à certains accords
Les contribuables peuvent, dans certains cadres bien définis, obtenir de l’administration soit une modération des impositions, soit une remise des pénalités sans faire état de motifs relatifs à leur bien-fondé. En effet, pour rappel, les droits en principal afférents à des impôts directs régulièrement établis peuvent faire l’objet d’une remise ou d’une modération lorsque le contribuable rencontre des difficultés financières le mettant dans l’impossibilité de se libérer de sa dette envers le Trésor. Les pénalités (majorations de droits et amendes fiscales) peuvent, quant à elles, faire l’objet soit d’une transaction, soit d’une remise ou d’une modération. Il en est de même de l’intérêt de retard.
La transaction fiscale
Une transaction fiscale est une convention portant atténuation de pénalités, qui peut intervenir entre l’administration et le contribuable, lorsque ces pénalités ne sont pas définitives, c’est-à-dire lorsqu’elles peuvent encore être contestées suivant la procédure contentieuse (LPF art. L 247). Une transaction prévoit donc :
- une remise de pénalités (exemple : diminution des intérêts de retard, des amendes, un abaissement des pénalités de 80 % à 40 %, etc.) ;
- et la reconnaissance du bien-fondé des impositions supplémentaires et l’engagement de renoncer à tout contentieux. La transaction clôt donc définitivement la procédure de contrôle.
Attention. Une transaction ne peut pas conduire à une réduction des droits.
Une transaction peut être conclue aussi longtemps que les impositions ne sont pas devenues définitives. Mais il convient de signaler qu’il n’y a pas de droit à une transaction.
Le règlement d’ensemble
Un règlement d’ensemble est un accord global qui prévoit une modification de l’assiette fiscale issue des rectifications. Il s’applique lorsque :
- la base imposable est contestée par le contribuable ;
- il existe une incertitude juridique sur le bien-fondé des rectifications.
Le règlement d’ensemble : sur quoi porte-t-il ? D’après le rapport annuel de la Cour des comptes de 2018, « cette pratique ne repose sur aucun fondement légal clairement établi ». Elle a été instituée par une note de la direction générale des impôts en date du 20-6-2004 qui précise que « dans certaines situations, les services peuvent être conduits à conclure avec l’usager un accord global qui inclut une atténuation des droits. Cet accord ne constitue pas une transaction au sens de l’article L 247 du LPF mais un règlement d’ensemble du dossier ». La Cour des comptes donne quelques exemples de cas complexes transmis par l’administration : évaluation du prix de cession, estimation de la valeur d’une filiale au sein d’une holding, ou encore le règlement d’un point de droit nouveau et complexe lorsqu’il existe une incertitude forte pour l’administration et pour le contribuable sur l’issue d’un contentieux devant le juge de l’impôt. Jusqu’en juillet 2019, aucun suivi de ces transactions n’était assuré. Depuis, l’article L 251 A du LPF prévoit la remise d’un rapport concernant les règlements d’ensemble. Dans ce rapport, on constate que 128 règlements d’ensemble ont été conclus en 2020, pour un total de 557 M€ et des modérations consenties à hauteur de 854 M€. Pour l’essentiel, il s’agit de règlements opérés sur l’IS.
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Anticiper les conséquences pénales potentielles
Au-delà de la sanction administrative de 40 % des droits éludés en cas de manquement délibéré ou de 80 % en cas de manoeuvre frauduleuse ou d’abus de droit (CGI art. 1729), le délit pénal de fraude fiscale est sanctionné pénalement (amende et peine d’emprisonnement pour les personnes physiques, amende pour les personnes morales).
Les sanctions encourues pour des faits de fraude ont ainsi été durcies ces dernières années (la loi 2013-1117 du 6-12-2013 qui a créé le parquet national financier, la loi 2016-1691 du 9-12-2016 (Sapin 2) qui a introduit la convention judiciaire d’intérêt public et la loi 2018-898 du 23-10-2018 qui a introduit le « name and shame » et durci les sanctions encourues pour des faits de fraude). Les lois de finances suivantes ont renforcé les outils à disposition des services en charge de la lutte contre la fraude : extension des dispositifs d’échanges d’informations entre administrations, collecte et analyse des données sur les réseaux sociaux pour la recherche d’infractions fiscales et douanières graves, instauration d’une liste « noire » des plateformes en ligne non coopératives ou encore transposition de directives comme DAC 7 (coopération administrative) ou de décisions européennes portant des dispositions anti-abus ou favorisant la coopération fiscale.
La dénonciation automatique au parquet
Depuis la suppression partielle du verrou de Bercy, il est prévu une transmission automatique au Parquet lorsque les droits mis en recouvrement dépassent 100 000 € et que l’une des pénalités suivantes a été appliquée :
- application de majoration de 100 % : opposition à contrôle fiscal ;
- application de majoration de 80 % : activité occulte, abus de droit, manoeuvres frauduleuses, ou absence de déclaration de certaines sommes ou actifs ;
- application de majoration de 40 % : déclaration non déposée dans les 30 jours suivant la réception d’une mise en demeure, manquement délibéré ou abus de droit ; uniquement en cas d’application de l’une des pénalités listées au cours des 6 années civiles précédentes.
Attention. La plainte de l’administration n’est pas nécessaire pour l’engagement de poursuites par le Parquet mais la DGFiP conserve la possibilité de porter plainte.
Le dépôt de plainte pour fraude fiscale
En dehors des cas de dénonciation automatique, l’administration peut porter plainte (sur avis conforme de la commission des infractions fiscales, sauf en cas de risque de dépérissement des preuves). Le Parquet peut toujours ouvrir des enquêtes pour blanchiment de fraude fiscale (sans action préalable de la DGFiP).
Un risque à anticiper en amont
Comment le contribuable peut-il anticiper le mieux possible les conséquences pénales ? Le risque pénal peut être intégré en amont. Il convient, pour cela, de prendre soin de documenter les opérations afin de démontrer l’absence d’intentionnalité et d’anticiper certaines demandes sans attendre la proposition de rectification. Il faut être particulièrement attentif et vigilant sur la régularité de la procédure fiscale (le respect des garanties de la loi ESSOC avec le droit à l’erreur, la régularité des échanges d’informations avec des administrations fiscales étrangères, etc.).
© Lefebvre Dalloz