Réforme des sûretés : les principales innovations en matière de cautionnement 1
Posté le 7 octobre 2021
En 2019, le Gouvernement a été habilité par le Parlement à aménager, par voie d’ordonnance, le droit des sûretés afin de le simplifier et d’en renforcer l’efficacité, tout en assurant un équilibre entre les intérêts des créanciers, titulaires ou non de sûretés, et ceux des débiteurs et des garants (Loi Pacte 2019-486 du 22-5-2019 art. 60). Dans cette optique, le Gouvernement a été notamment chargé de réformer le droit du cautionnement, en assurant la protection de la caution personne physique (art. précité). La durée de cette habilitation, initialement prévue jusqu’au 23 mai 2021, a été prolongée de 4 mois en raison de la crise sanitaire résultant de l’épidémie de Covid-19 (Loi 2020-290 du 23-3-2020 art. 14).
L’ordonnance procédant à la réforme des sûretés a été publiée. Nous allons vous présenter les principales modifications qu’elle apporte au régime du cautionnement personnel.
Dans ses grandes lignes, l’ordonnance tend d’abord à rétablir un seul droit commun du cautionnement, logé dans le Code civil. Elle y insère, mais pas à droit constant, certaines dispositions éparses et redondantes du Code de la consommation et du Code monétaire et financier. La réforme se caractérise ensuite par un effort de simplification et d’amélioration de la lisibilité du régime (notamment, définition du cautionnement, du sous-cautionnement et du certificateur de caution ; unification des régimes distincts ; codification de certaines solutions jurisprudentielles ; abandon des formulations surannées…). Pour autant, elle ne révolutionne pas le régime du cautionnement.3.
L’entrée en vigueur des nouvelles dispositions est fixée au 1er janvier 2022 (Ord. 2021-1192 art. 37, I-al. 1) mais seulement pour les cautionnements conclus à compter de cette date. Les cautionnements conclus avant resteront soumis à la loi ancienne, y compris « pour les effets légaux et pour les dispositions d’ordre public » ; il est toutefois dérogé à ce principe pour les dispositions relatives à l’information de la caution par le créancier.
Le créancier professionnel entre dans le Code civil
A l’instar de certaines dispositions actuelles du Code de la consommation relatives au cautionnement, plusieurs articles du Code civil issus de l’ordonnance font référence à la notion de « créancier professionnel » (C. civ. art. 2300 : interdiction de se prévaloir d’un cautionnement disproportionné ; art. 2299 : mise en garde de la caution ; art. 2302 et 2303 : information de la caution pendant la durée de son engagement), sans la définir.
Nul doute que seront considérés comme des créanciers professionnels au sens de ces nouvelles dispositions les établissements de crédit et assimilés (telles les sociétés de crédit-bail).
A notre avis, sera transposable la jurisprudence actuelle qualifiant de créancier professionnel celui dont la créance est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale et si le créancier n’est pas commerçant.
Nature civile ou commerciale du cautionnement
Actuellement, le cautionnement, contrat civil par nature, devient commercial notamment lorsque la caution, même non commerçante, a un intérêt patrimonial personnel à garantir la dette qui est commerciale.
L’ordonnance abandonne ce critère. Le cautionnement de dettes commerciales constituera, entre toutes personnes, un acte de commerce (C. com. art. L 110-1, 11o nouveau). En conséquence, deviendront commerciaux des cautionnements qui ne le sont pas actuellement, tel celui donné par l’associé d’une société commerciale pour garantir les dettes de celle-ci, même s’il n’est pas impliqué dans la gestion sociale.
Cette modification permettra de soumettre à la même juridiction, le tribunal de commerce, le contentieux du cautionnement et celui de la dette lorsqu’elle est commerciale. Mais la qualification d’acte de commerce a aussi pour conséquence de permettre aux parties de recourir à l’arbitrage ; la réforme institue un garde-fou pour protéger la caution à cet égard : lorsque le cautionnement d’une dette commerciale n’aura pas été souscrit dans le cadre de l’activité professionnelle de la caution, la clause d’arbitrage ne pourra pas être opposée à celle-ci (C. com. art. L 721-3, al. 3 modifié).
Le cautionnement par voie électronique largement admis
Actuellement, les actes sous signature privée relatifs à des sûretés personnelles ou réelles, de nature civile ou commerciale, ne peuvent pas être conclus par voie électronique, sauf s’ils sont passés par une personne pour les besoins de sa profession (C. civ. art. 1175, 2o).
Cette disposition est abrogée, ce qui permettra de conclure l’ensemble des sûretés par voie électronique, y compris un cautionnement. Ce dernier restera soumis à l’exigence d’une mention apposée par la caution dans certains cas.
Aux termes du rapport au Président de la République, lever ce frein, injustifié à l’ère du numérique, est indispensable pour inciter les opérateurs économiques internationaux à utiliser le droit français.
Ord. 2021-1192 du 15-9-2021 : JO 16 texte n° 19 ; Rapport au Président de la République : JO 16 texte n° 18