Projet de loi pour protéger le pouvoir d’achat
Posté le 11 juillet 2022
Les dispositions contenues dans le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat s’organisent autour de trois axes principaux : la protection du niveau de vie des Français, la protection du consommateur et la souveraineté énergétique.
Les mesures concernant la protection du niveau de vie des Français portent notamment sur :
– l’attribution facultative, à compter du 1-8-2022, aux salariés d’une prime de partage de la valeur (PPV) exonérée de cotisations sociales salariales et patronales, dont le régime s’inspire de celui la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (Pepa) qui pouvait être versée jusqu’en mars 2022 (projet de loi art. 1er) ;
– la faculté pour l’employeur de moins de 50 salariés de mettre en place de façon unilatérale un dispositif d’intéressement, en l’absence d’institutions représentatives du personnel ou en cas d’échec des négociations, et de renouveler par décision unilatérale le dispositif d’intéressement ; l’allongement de la durée des accords d’intéressement de 3 à 5 ans (projet de loi art. 3) ;
– la suppression du contrôle de forme opéré par les directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) sur les accords et règlements d’épargne salariale déposés à compter du 1-1-2023 (projet de loi art. 3) ;
– l’incitation des branches à négocier sur les salaires et à assurer la conformité de leur minima conventionnels au SMIC (projet de loi art. 4).
La nouvelle prime de partage de la valeur
Les employeurs auraient la possibilité de verser à compter du 1-8-2022 à leurs salariés une prime de partage de la valeur (PPV) d’un montant de 3 000 € ou de 6 000 € paour certains employeurs, exonérée, de façon permanente, mais sous certaines conditions, de cotisations sociales salariales et patronales, et, de façon temporaire, d’impôt sur le revenu et de CSG/CRDS. Le dispositif de la PPV serait donc pérennisé (projet de loi art. 1er). Mais il sera plus prudent d’attendre une adoption définitive de la loi avant de verser la PPV aux salariés.
Employeurs concernés. Pourraient verser la PPV :
– les employeurs de droit privé, y compris les associations et fondations reconnues d’utilité publique ou d’intérêt général et les établissements et services d’aide par le travail (Esat) pour les primes versées aux travailleurs handicapés ;
– les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC) ;
– les établissements publics administratifs (EPA) lorsqu’ils emploient du personnel de droit privé.
L’exonération serait également applicable à la prime versée aux travailleurs handicapés bénéficiant d’un contrat de soutien et d’aide par le travail et relevant des Esat.
Conditions du bénéfice de l’exonération. L’exonération de cotisations sociales serait applicable à la PPV qui respecte les conditions suivantes :
– la PPV devrait bénéficier aux salariés liés à l’entreprise par un contrat de travail(ou aux agents des EPIC ou EPA), aux salariés intérimaires mis à disposition de l’entreprise utilisatrice attribuant la PPV à ses salariés et aux travailleurs handicapés liés à un Esat par un contrat de soutien et d’aide par le travail, à la date de versement de cette prime ou à la date de dépôt de l’accord d’entreprise ou de groupe auprès de l’administration ou de la signature de la décision unilatérale l’employeur (DUE) actant le versement de cette prime ;
À noter. Lorsque l’entreprise utilisatrice attribuerait la prime à ses salariés, elle devrait en informer l’entreprise de travail temporaire (ETT) dont relèvent les intérimaires car c’est l’ETT qui verserait la prime aux intérimaires dans les conditions et modalités fixées par l’accord ou la DUE de l’entreprise utilisatrice ; la PPV versée bénéficierait de l’exonération si l’entreprise utilisatrice en remplit les conditions.
– l’employeur pourrait décider de verser la prime à une partie seulement de son personnel et exclure les salariés dont la rémunération serait supérieure à un plafond déterminé par l’accord ou la DUE instituant la prime ;
– le montant de la PPV pourrait être modulé selon les salariés bénéficiaires en fonction de leur rémunération, de leur niveau de classification, de leur durée de présence effective pendant l’année écoulée (notamment pour les salariés entrés en cours d’année) et de la durée de travail prévue par leur contrat de travail (notamment pour les salariés à temps partiel).
À noter. Les congés liés à l’arrivée ou à l’éducation d’un enfant (congés de maternité, de paternité et d’accueil de l’enfant, d’adoption, congé parental d’éducation, congé pour maladie d’un enfant, congé de présence parentale…) seraient considérés comme du temps de présence effective.
– la PPV ne pourrait se substituer à aucun élément de rémunération versé par l’employeur ou devenant obligatoire en vertu de la loi, du contrat de travail ou d’un usage, ni à des augmentations de rémunération ni à des primes prévues par un accord salarial (de branche ou d’entreprise), par le contrat de travail ou par les usages en vigueur dans l’entreprise.
Mise en place de la PPV par accord collectif ou DUE. Le versement de la PPV, son montant, éventuellement le niveau de rémunération maximal des salariés éligibles et les conditions de modulation du niveau de la prime entre les salariés bénéficiaires devraient être mis en place par :
– un accord d’entreprise ou de groupe conclu selon des modalités identiques à celles d’un accord d’intéressement ;
– ou par une décision unilatérale de l’employeur (DUE) à condition d’en informer le comité social et économique (CSE), s’il existe, avant son versement.
Plafond d’exonération sociale de la PPV = 3 000 €. Toutes les PPV versées dans la limite de 3 000 € par salarié bénéficiaire et par année civile et dans les conditions ci-dessus seraient exonérées :
– de toutes les cotisations sociales salariales et patronales d’origine légale ou conventionnelle ;
– de la participation patronale à l’effort de construction ; et
– des contributions patronales au financement de la formation et de l’alternance (contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance, contribution supplémentaire à l’apprentissage et CPF-CDD 1 %).
Plafond d’exonération sociale majoré à 6 000 €. La limite de l’exonération sociale serait portée à 6 000 € par salarié bénéficiaire et par année civile :
– pour les employeurs soumis à l’obligation de mise en place de la participation (employeurs d’au moins 50 salariés) qui mettent en œuvre à la date de versement de la PPV, ou ont conclu au titre du même exercice que celui du versement de cette prime, un dispositif d’intéressement ;
– pour les employeurs non soumis à l’obligation mise en place de la participation (employeurs de moins de 50 salariés) qui mettent en œuvre à la date de versement de la PPV, ou ont conclu au titre du même exercice que celui du versement de cette prime, un dispositif d’intéressement ou de participation ;
– pour les associations et aux fondations reconnues d’utilité publique ou d’intérêt général pouvant recevoir des dons ouvrant droit à réduction d’impôt ;
– pour les Esat, au titre des primes versées aux travailleurs handicapés accueillis en contrat de soutien et d’aide par le travail.
PPV versée aux salariés percevant moins de 3 Smic par mois entre le 1-8-2022 et le 31-12-2023. Lorsque, entre le 1-8-2022 et le 31-12-2023, la PPV serait versée aux salariés ayant perçu, au cours des 12 mois précédant son versement, une rémunération inférieure à 3 Smic, la PPV serait exonérée :
– des cotisations sociales salariales et patronales ;
– de l’impôt sur le revenu (IR) ; et
– de CSG/ CRDS. Dans ce cas, la PPV exonérée est incluse dans le montant du revenu fiscal de référence (CGI art. 141, IV-1°)
À noter : l’exposé des motifs du projet précise que jusqu’au 31-12-2023, la PPV sera totalement exonérée de cotisations salariales et patronales, ainsi que d’impôt pour les salariés qui perçoivent jusqu’à moins de 3 Smic par mois. Pour les autres salariés rémunérés à partir de 3 Smic, ils seront exonérés de cotisations salariales avec un régime fiscalo‑social aligné sur celui de l’intéressement et de la participation, à savoir : un assujettissement de la PPV à l’IR et à la CSG/CRDS, et l’application du forfait social pour l’employeur (qui est exonéré de charges sociales). Après le 31-12-2023, le régime d’exonération des salariés situés en‑dessous de 3 Smic sera aligné sur celui des autres salariés (exonération de cotisations sociales).
À compter du 1-1-2024, toutes les PPV versées seraient intégralement soumises à l’IR et à la CSG/CRDS.
La prime soumise au forfait social dans les mêmes conditions que l’intéressement. La PPV serait assimilée, pour l’assujettissement au forfait social, aux sommes versées au titre de l’intéressement. Ainsi, l’entreprise de 250 salariés et plus serait redevable du forfait social lors de l’attribution des PPV, au taux de 20 %, le forfait social étant dû sur la fraction des sommes exonérée de cotisations de sécurité sociale.
La fraction de ces sommes excédant les limites d’exonération serait réintégrée dans l’assiette des cotisations sociales et, par conséquent, ne serait pas soumise au forfait social.
Cumul PPV et ancienne Pepa : plafond d’exonération d’IR. En cas de cumul de versement de l’ancienne Pepa (ayant pu être versée jusqu’en mars 2022) entre la nouvelle PPV versée à partir du 1-8-2022, le montant total exonéré d’impôt sur le revenu au titre des revenus de l’année 2022 ne pourra excéder 6 000 €.
Encourager à la mise en place de l’intéressement
Le projet de loi allonge la durée des accords d’intéressement et permet aux employeurs de moins de 50 salariés de mettre en place de façon unilatérale un dispositif d’intéressement, en l’absence de représentants du personnel (cette possibilité est subordonnée au respect par l’employeur de ses obligations en matière d’instances de représentation du personnel) ou en cas d’échec des négociations. Cette faculté pourrait être utilisée si l’entreprise n’est pas couverte pas un accord de branche agréé prévoyant un dispositif d’intéressement.
Durée des accords d’intéressement. Les accords d’intéressement (et les accords d’intéressement de projet) pourraient être conclus pour 5 ans, au lieu de 3 ans actuellement pour permettre aux entreprises d’adopter une projection sur un plus long terme dans la fixation de leurs objectifs (Projet de loi art. 3).
Dans les entreprises de moins de 50 salariés. Lorsque l’entreprise n’est pas couverte par un accord de branche agréé (prévoyant un dispositif d’intéressement), l’employeur pourrait mettre en place un régime d’intéressement par décision unilatérale, pour une durée comprise entre 1 et 5 ans, dans deux cas :
– si l’entreprise de moins de 50 salariés est dépourvue de délégué syndical (DS) on d’un CSE ; dans ce cas, l’employeur devrait en informer les salariés par tous moyens ;
– si l’entreprise de moins de 50 salariés, dotée d’au moins un DS ou d’un CSE, n’est pas parvenue à négocier un accord d’intéressement au terme d’une négociation. Dans ce cas, un procès‑verbal de désaccord consignant les propositions respectives des parties devrait être établi. Le CSE devrait être consulté sur le projet de régime d’intéressement mis en place par le DUE au moins 15 jours avant son dépôt auprès de la DDETS.
Le régime d’intéressement mis en place par DUE vaudra accord d’intéressement.
Arrivé à échéance, le dispositif d’intéressement mis en place unilatéralement dans les entreprises de moins de 50 salariés pourrait être renouvelé unilatéralement (actuellement, le renouvellement unilatéral est interdit).
Ces mesures entreraient en application dès la publication de la loi.
Procédure dématérialisée de rédaction de l’accord d’intéressement. Pour faciliter la diffusion de l’intéressement dans les entreprises, le projet prévoit une procédure dématérialisée de rédaction de l’accord d’intéressement pour sécuriser les exonérations dès le dépôt de l’accord. Cette mesure s’appliquerait aux accords d’intéressement déposés à compter du 1-1-2023.
Dès lors que l’accord d’intéressement aura été rédigé selon une procédure dématérialisée permettant de vérifier préalablement sa conformité aux dispositions légales, les exonérations sociales et fiscales (C. trav. art. L 3312‑4 et L 3315‑1 à L 3315‑3) seraient réputées acquises pour la durée de l’accord dès qu’il aura été déposé auprès de l’administration. Un décret fixerait les modalités de cette procédure dématérialisée.
Pour accélérer la procédure, le contrôle de forme opéré par les directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) des accords d’épargne salariale (intéressement, participation, PEE) serait supprimé. Le délai de contrôle des accords par les Urssaf serait ainsi réduit d’un mois.
Il ne subsisterait donc plus que le contrôle de fond opéré par les Urssaf pour demander le retrait ou la modification des clauses contraires aux dispositions légales, qui ne pourrait pas excéder 3 mois pour les accords de participation et les plans d’épargne salariale, ou 5 mois pour les accords d’intéressement. Cette mesure s’appliquerait aux accords d’intéressement, de participation et aux règlements de plan d’épargne salariale déposés à compter du 1-1-2023 pour laisser le temps aux développements informatiques.
Inciter les branches à renégocier sur les salaires au niveau du Smic
Pour inciter les branches à négocier sur les salaires et à mettre leurs grilles de minima conventionnels au moins au niveau du Smic, le ministre chargé du travail pourrait, eu égard à l’intérêt général attaché à la restructuration des branches professionnelles, engager une procédure de fusion du champ d’application des conventions collectives d’une branche avec celui d’une branche de rattachement présentant des conditions sociales et économiques analogues lorsque la branche a une activité conventionnelle caractérisée par la faiblesse du nombre des accords ou avenants signés assurant un salaire minimum national professionnel au moins égal au Smic (projet de loi art. 4).
Cette mesure entrerait en application dès la publication de la loi.
Source : projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, enregistré à l’assemblée nationale le 7-72022 art. 1er, 3 et 4
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