Produit de cession en sursis d’imposition : réinvestissement dans une activité de loueur en meublé

Posté le 29 avril 2022

Les plus-values d’apport de titres à une société soumise à l’IS réalisées depuis le 1er janvier 2000 bénéficient de plein droit d’un sursis d’imposition (CGI art. 150-0 B). Toutefois, lorsque la société cède les titres apportés très rapidement après l’apport, pour une valeur proche ou égale à leur valeur d’apport, il existe un risque d’abus de droit fiscal. C’est la raison pour laquelle le législateur a remplacé le sursis d’imposition par un mécanisme de report d’imposition obligatoire pour les apports réalisés depuis le 14 novembre 2012 (CGI art. 150-0 B ter) tout en encadrant plus strictement l’obligation de réinvestissement économique du prix de cession des titres apportés.

Les faits. Le 22 octobre 2010, un contribuable a apporté à une société financière B qu’il a créée, et dont il est le seul associé, les 308 titres qu’il détenait dans une autre société. La plus-value résultant de cet apport a bénéficié du sursis d’imposition (CGI art. 150-0 B, dans sa rédaction applicable en 2010). Le 11 novembre de la même année, la société B a revendu ces parts pour un prix identique à leur valeur d’apport. Mettant en œuvre la procédure d’abus de droit (LPF art. L 64), l’administration a estimé que le contribuable avait abusivement bénéficié du sursis d’imposition et a imposé la plus-value réalisée par ce dernier à l’occasion de l’apport des titres. Après un rejet de sa demande tant devant le tribunal que devant la cour administrative d’appel, le contribuable se pourvoit en cassation.

Solution rendue. Le Conseil d’Etat rappelle que l’opération par laquelle des titres d’une société sont apportés par un contribuable à une société qu’il contrôle, puis sont immédiatement cédés par cette dernière, répond à l’objectif économique poursuivi par le législateur lorsque le produit de cession fait l’objet d’un réinvestissement à caractère économique, à bref délai, par cette société. En revanche, en l’absence de réinvestissement à caractère économique, une telle opération doit, en principe, être regardée comme poursuivant un but exclusivement fiscal dans la mesure où elle conduit, en différant l’imposition de la plus-value, à minorer l’assiette de l’année au titre de laquelle l’impôt est normalement dû à raison de la situation et des activités réelles du contribuable.

Confirmant la position de la cour (CAA Lyon 18-6-2020 n° 18LY03630), le Conseil d’Etat estime tout d’abord que le réinvestissement, finalement effectué en 2017, de la société financière B dans le projet « V » n’était pas intervenu à bref délai après l’apport de titres en 2010. Puis, il précise qu’une activité de loueur en meublé ne peut être regardée comme un investissement à caractère économique que si cette activité de location est effectuée par le propriétaire dans des conditions le conduisant à fournir une prestation d’hébergement ou si elle implique pour lui, alors qu’il en assure directement la gestion, la mise en œuvre d’importants moyens matériels et humains. En l’espèce, l’activité de location en meublé n’a pas été assortie de prestations para-hôtelières ni n’a été exercée dans des conditions d’exploitation telles qu’elle aurait impliqué des charges de gestion conséquentes. L’acquisition par le contribuable en février 2014 d’un plateau à aménager en vue d’une location en meublé ne pouvait donc être regardée comme un investissement économique.

Rendue certes sous l’empire de l’ancien régime de sursis d’imposition (CGI art. 150-0 B), cette solution paraît toutefois transposable au mécanisme actuel de report d’imposition (CGI art. 150-0 B ter). L’administration précise d’ailleurs que ne sont pas éligibles au remploi les activités de location d’immeubles meublés ou équipés qui, bien qu’assimilées fiscalement à des activités commerciales, constituent des activités de gestion de son propre patrimoine immobilier (BOI-RPPM-PVBMI-30-10-60-20 n°110).

 

CE 19-4-2022 n° 442946

© Lefebvre Dalloz

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