Loi Marché du travail
Posté le 16 décembre 2022
Assurance chômage
Détermination temporaire des règles applicables au régime de l’assurance chômage par décret
Par dérogation aux dispositions du Code du travail, le Gouvernement est autorisé, à compter du 1-11-2022 et après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel, à déterminer, par décret, les règles applicables au régime d’assurance chômage jusqu’à une date fixée par décret et au plus tard jusqu’au 31-12-2023 (Loi art. 1er, I-al. 1).
À noter. Ces mesures pourront faire l’objet de dispositions d’adaptation en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Indemnisation chômage modulée en fonction de la conjoncture. Les conditions d’activité antérieure pour l’ouverture ou le rechargement des droits et la durée des droits à l’allocation d’assurance pourront être modulées en tenant compte d’indicateurs conjoncturels sur l’emploi et le fonctionnement du marché du travail (Loi art. 2 ; C. trav. art. L 5422-2-2). Ainsi, la durée d’affiliation et la durée d’indemnisation par le régime de l’assurance chômage pourront être modulées en fonction de la situation de l’emploi ; ces durées pourront être endurcies lorsque la situation de l’emploi est défavorable et assouplies lorsque cette situation est plus favorable.
Prolongation du bonus-malus d’assurance chômage
Les règles actuelles applicables à la modulation du taux de la contribution d’assurance chômage (dispositif du bonus-malus, C. trav. art. L 5422-12) pourront être prolongées, par décret, jusqu’au 31-8-2024.
Cependant, le Gouvernement pourra modifier, par décret, notamment :
– les périodes de mise en œuvre de la modulation du taux de contribution d’assurance chômage des employeurs concernés ;
– et les périodes au cours desquelles est constaté le nombre de fins de contrat de travail et de contrat de mise à disposition pris en compte pour le calcul du taux modulé (Loi art. 1er, I-al. 2).
Rappel. Le décret 2022-1374 du 29-10-2022 (JO du 30) a prolongé les règles actuelles d’indemnisation de l’assurance chômage et le dispositif du bonus-malus applicable à la contribution d’assurance chômage au-delà du 1-11-2022 et jusqu’au 31-1-2023 pour permettre la poursuite du versement des allocations d’assurance chômage et du recouvrement des contributions afférentes.
Information des employeurs sur le nombre de fins de contrat de travail pris en compte pour le calcul du taux modulé. Lorsque l’Urssaf notifie à l’employeur son taux de contribution chômage modulé, elle lui transmet également les données utilisées pour son calcul, à savoir le nombre de rupture imputées à l’entreprise, son effectif moyen annuel, son taux de séparation, le taux de séparation médian.
Pour les taux notifiés aux employeurs pour les périodes courant depuis le 1-9-2022, l’Urssaf pourra également communiquer aux employeurs les données nécessaires pour déterminer le nombre de fins de contrat de travail et de contrat de mise à disposition, y compris les données sur les salariés concernés par les fins de contrat prises en compte qui sont inscrites sur la liste des demandeurs d’emploi, dans des conditions prévues par décret (Loi art. 5 : C. trav. art. L 5422-12, al. 8).
Proposition de poste en CDI à un salarié en CDD et refus du salarié
Si l’employeur propose à un salarié recruté en contrat à durée déterminée (CDD) la poursuite de leur relation contractuelle de travail après l’échéance du terme du CDD sous la forme d’un contrat à durée indéterminée (CDI) pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, assorti d’une rémunération au moins équivalente pour une durée de travail équivalente, relevant de la même classification et sans changement du lieu de travail, il doit notifier par écrit au salarié cette proposition de poste en CDI.
En cas de refus du salarié, l’employeur doit en informer Pôle emploi en justifiant du caractère similaire de l’emploi proposé. Les modalités d’application de cette mesure seront fixées par un prochain décret (C. trav. art. L 1243-11-1 nouveau ; Loi art. 2).
Proposition de poste en CDI à un salarié intérimaire et refus du salarié
Si, à l’issue d’une mission de travail temporaire, l’entreprise utilisatrice propose au salarié intérimaire de conclure un CDI pour occuper le même emploi ou un emploi similaire, sans changement du lieu de travail, elle doit notifier par écrit au salarié cette proposition de CDI.
En cas de refus du salarié intérimaire, l’entreprise utilisatrice doit en informer Pôle emploi en justifiant du caractère similaire de l’emploi proposé. Les modalités d’application de cette mesure seront fixées par décret (Loi art. 2 ; C. trav. art. L 1251-33-1 nouveau).
En cas de refus de 2 propositions de poste en CDI = perte de l’allocation chômage
Cette perte de l’allocation chômage ne s’applique pas :
– si le salarié a été employé dans le cadre d’un CDI au cours de la même période ;
– si la dernière proposition de poste en CDI faite au salarié n’est pas conforme à son projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE), lorsqu’il a été élaboré avec son conseiller Pôle emploi avant la date du dernier refus pris en compte. Le PPAE permet au demandeur d’emploi, dans le cadre de ses recherches d’emploi, de définir avec Pôle emploi une offre d’emploi dite « raisonnable », c’est-à-dire correspondant à ses compétences professionnelles, qu’il est tenu d’accepter.
Une démission présumée en cas d’un abandon de poste volontaire
La loi Marché du travail instaure une présomption de démission lorsque le salarié quitte son poste volontairement. Cette mesure a pour objectif de limiter la pratique de salariés souhaitant mettre fin à leur relation de travail qui consiste à abandonner leur poste afin d’être licenciés et indemnisés par l’assurance chômage ; de cette façon, ils évitent une démission, non indemnisée par l’assurance chômage.
Jusqu’à présent, face à l’abandon de poste d’un salarié, qui désorganise la bonne marche de l’entreprise, notamment dans les entreprises de petite taille, l’employeur est contraint de prendre l’initiative de la rupture du contrat de travail et de licencier le salarié pour faute grave. En cas de contestation du licenciement par le salarié, l’issue de cette action reste incertaine pour l’employeur.
Une procédure pour agir face à un abandon de poste. Si un salarié a abandonné volontairement son poste de travail et ne reprend pas le travail, l’employeur pourra le mettre en demeure, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, de justifier son absence et de reprendre son poste dans un délai fixé par l’employeur. Si le salarié ne justifie pas de son absence (par un motif légitime) et ne reprend pas le travail dans le délai que lui a accordé l’employeur, il est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai. Ainsi, la date d’expiration du délai laissé au salarié pour reprendre son travail constitue la date de la rupture du contrat de travail.
Ce délai sera fixé à un minimum par un décret qui déterminera également les modalités d’application de cette nouvelle procédure pour abandon de poste (Loi art. 4 ; C. trav. art. L 1237-1-1, al. 1 nouveau).
Un abandon de poste volontaire. La démission du salarié est présumée à condition que celui-ci ait abandonné volontairement son poste de travail. Si le salarié a été contraint par les agissements de l’employeur d’abandonner son poste, la démission ne peut pas être présumée.
Une procédure accélérée de contestation devant le juge prud’homal. Cette présomption de démission en cas d’abandon de poste volontaire est une présomption simple. Le salarié peut la combattre en contestant la rupture de son contrat de travail devant le conseil de prud’hommes.
Si le salarié entend contester la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption de démission, il peut saisir le conseil de prud’hommes. L’affaire est alors directement portée devant le bureau de jugement, qui doit se prononcer sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il doit statuer au fond dans un délai d’un mois à compter de sa saisine (Loi art. 4 ; C. trav. art. L 1237-1-1 al. 2 nouveau).
Un seul CDD ou contrat de mission pour remplacer plusieurs salariés absents
Un CDD de remplacement d’un salarié peut être conclu pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, seulement dans les cas suivants : en cas d’absence du salarié, en cas de passage provisoire à temps partiel du salarié (conclu par un avenant à son contrat de travail ou par un échange écrit entre le salarié et son employeur), en cas de suspension du contrat de travail d’un salarié, en cas de départ définitif du salarié précédant la suppression de son poste de travail, après consultation du comité social et économique s’il existe, ou en cas d’attente de l’entrée en service effective d’un salarié recruté par CDI appelé à remplacer le salarié en CDD (C. trav. art. L 1242-2, 1°). Il peut être fait appel à un salarié temporaire pour l’exécution d’une mission précise et temporaire dans les mêmes cas de remplacement que pour un CDD (C. trav. art. L 1251-6,1°). La Cour de cassation impose lorsqu’un salarié est engagé sous CDD pour remplacer successivement plusieurs salariés, qu’il soit conclu avec lui autant de contrat de travail écrits qu’il y a de salariés à remplacer, sous peine de requalification.
La loi Marché du travail crée une nouvelle expérimentation pour permettre à l’employeur de conclure un seul CDD ou un seul contrat de mission pour remplacer plusieurs salariés absents de l’entreprise en même temps ou successivement.
Des CDD multi-remplacements. À titre expérimental et par dérogation aux dispositions du Code du travail (C. trav. art. L 1242-2, 1° et L 1251-6, 1°), les employeurs appartenant à certains secteurs d’activité définis par décret vont pouvoir conclure un seul CDD ou un seul contrat de mission de travail temporaire pour remplacer plusieurs salariés de l’entreprise. Cette expérimentation ne pourra avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise (Loi art. 6, I).
Expérimentation temporaire. Cette expérimentation s’appliquera pendant 2 ans à compter de la publication de ce décret définissant les secteurs concernés. Elle donnera lieu à la remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport d’évaluation, au plus tard 3 mois avant le terme de l’expérimentation, afin de déterminer les conditions appropriées d’une éventuelle généralisation du dispositif (Loi art. 6, II et III).
Rappel. Cette expérimentation rappelle celle mise en place par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5-9-2018, du 1-1-2019 au 31-12-2020, qui avait permis, par dérogation, qu’un un seul CDD ou un seul contrat de mission puisse être conclu pour remplacer plusieurs salariés de l’entreprise appartenant à l’un des 11 secteurs d’activité suivants : sanitaire, social et médico-social ; propreté et nettoyage ; économie sociale et solidaire ; tourisme en zone de montagne ; commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire ; plasturgie ; restauration collective ; sport et équipements de loisirs ; transport routier et activités auxiliaires ; industries alimentaires ;services à la personne (loi 2018-771 du 5-9-2018 art. 53).
Durée illimitée de la mission en CDI Intérimaire
Suppression de la durée maximale de 36 mois. Une entreprise de travail temporaire peut conclure avec un salarié un contrat à durée indéterminée pour l’exécution de missions successives (C. trav. art. L 1251-58-1). La durée totale de la mission du salarié lié par un CDI intérimaire est au maximum de 36 mois (C. trav. art. L 1251-58-6).
La loi Marché du travail supprime cette durée maximale spécifique de 36 mois applicable aux missions d’intérim réalisées dans le cadre du CDI intérimaire et écarte l’application au CDI intérimaire de la durée totale maximale de 18 mois du contrat de mission classique (Loi art. 7 ; C. trav. art. L 1251-58-6 modifié).
Ainsi, la durée de la mission du salarié intérimaire embauché en CDI ne sera plus plafonnée à compter de l’entrée en vigueur de la loi.
Élections au CSE : nouvelles conditions d’électorat
Les dispositions de l’article L 2314-18 du Code du travail prévoyaient que tout salarié âgé de 16 ans révolus, travaillant depuis 3 mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à ses droits civiques peut participer en qualité d’électeur à l’élection du comité social et économique (CSE). En se fondant sur ces dispositions, la Cour de cassation juge de manière constante que les salariés qui disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise ou représentent effectivement le chef d’entreprise devant les institutions représentatives du personnel doivent être exclus du corps électoral. Ces salariés, assimilés à l’employeur, ne peuvent donc pas voter pour élire les membres du CSE.
Par décision rendue le 19-11-2021, le Conseil Constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution l’article L 2314-18 du Code du travail dans sa rédaction résultant de l’ordonnance 2017-1386 du 22-9-2017. Il a considéré qu’en privant des salariés de toute possibilité de participer en qualité d’électeur à l’élection du CSE, au seul motif qu’ils disposent d’une telle délégation ou d’un tel pouvoir de représentation, l’article L 2314-18 du Code du travail porte une atteinte manifestement disproportionnée au principe de participation des travailleurs. L’abrogation des dispositions de l’article L 2314-18 du Code du travail a pris effet au 31-10-2022 (Conseil constitutionnel, décision n° 2021-947 QPC du 19 -11-2021, JO du 20).
Les salariés assimilés à l’employeur ont la qualité d’électeur. Prenant acte de cette décision du Conseil constitutionnel, la loi a redéfini les conditions légales pour être électeur aux élections du CSE.
À compter du 31-10-2022, sont électeurs l’ensemble des salariés âgés de 16 ans révolus, travaillant depuis 3 mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques (Loi art. 8, I et III ; C. trav. art. L 2314-18 nouveau). Cette nouvelle rédaction permet d’inclure parmi les électeurs aux élections du CSE les salariés disposant d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise ou représentant effectivement le chef d’entreprise devant les institutions représentatives du personnel. Depuis le 31-10-2022, ces salariés assimilés à l’employeur peuvent voter pour élire les membres du CSE.
Les salariés assimilés à l’employeur ne sont pas éligibles. Sont éligibles les électeurs âgés de 18 ans révolus, et travaillant dans l’entreprise depuis un an au moins, à l’exception des conjoint, partenaire d’un pacte civil de solidarité, concubin, ascendants, descendants, frères, sœurs et alliés au même degré de l’employeur, ainsi que des salariés qui disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise ou qui le représentent effectivement devant le CSE (Loi art. 8, II ; C. trav. art. L 2314-19, al. 1 modifié). Cette nouvelle rédaction exclut expressément de l’éligibilité aux élections du CSE les salariés disposant d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise ou représentant effectivement le chef d’entreprise devant les institutions représentatives du personnel.
Sources : loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi du 17-11-2022, en attente de parution officielle ; Conseil constitutionnel, décision n° 2022-844 du 15-12-2022
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