Recours du CSE à l’expertise en cas de risque grave
Posté le 22 novembre 2024
Une expertise pour risque grave. Le CSE peut faire appel à un expert habilité lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement (C. trav. art. L 2315-94, 1°). Dans l’exercice de sa mission, l’expert désigné doit bénéficier d’un libre accès dans l’entreprise, et l’employeur doit lui fournir les informations nécessaires à l’exercice de sa mission (C. trav. art. L 2315-83 et L 2315-84).
Audition des salariés. Sur la question de savoir si l’expert mandaté par le CSE peut auditionner des salariés pour les besoins de sa mission, le Code du travail ne prévoit aucune disposition. Toutefois, la Cour de cassation a jugé en 2023, à propos d’un litige opposant une entreprise à son CSE et à l’expert-comptable l’assistant en vue de la consultation récurrente sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi, que l’expert-comptable, s’il considère que l’audition de certains salariés de l’entreprise est utile à l’accomplissement de sa mission, ne peut les auditionner que s’il obtient l’accord exprès de l’employeur et des salariés concernés (Cass. soc. 28‑6‑2023, n° 22-10.293).
Cette décision s’applique-t-elle à l’expert désigné par le CSE en cas de risque grave constaté dans l’établissement ?
Illustration. Le CHSCT d’un groupe hospitalier a décidé de recourir à une expertise pour risque grave (C. trav. art. L 4614-12, 1° ancien), notamment à la suite du constat de l’existence de risques psychosociaux et physiques et d’une souffrance au travail dans l’établissement, et a désigné un expert pour y procéder. L’hôpital a engagé un recours devant le président du tribunal judiciaire en annulation de la délibération du CHSCT demandant l’expertise. Par une ordonnance, le président du tribunal judiciaire a débouté l’hôpital de sa demande, mais a limité le périmètre de l’expertise à la seule direction des ressources humaines (DRH) de l’hôpital. L’hôpital a engagé un autre recours devant le même tribunal pour obtenir la limitation de la communication des documents sollicités par l’expert au périmètre de la DRH et la réduction du coût de l’expertise. L’hôpital ayant été débouté de ces deux demandes, il a formé un pourvoi en cassation contre l’ordonnance du président du tribunal.
Sur l’audition des salariés. Pour l’employeur, le coût prévisionnel de l’expertise était excessif, car elle prévoyait 70 entretiens avec le personnel, représentant au total 105 heures ou 13,5 jours de travail, alors que la DRH à laquelle l’expertise était limitée ne comptait que 41 salariés. Par ailleurs, l’employeur estimait que l’expert habilité ne disposait d’aucun droit à organiser des entretiens avec le personnel sur le lieu de travail.
La Cour de cassation a déclaré, sur la base de l’obligation de sécurité de l’employeur (C. trav. art. L 4121-2) et de la mission du CHSCT en matière de prévention des risques (mission aujourd’hui assurée par le CSE, C. trav. art. L 2312-9 et L 2315-94), que l’expert désigné dans le cadre d’une expertise pour risque grave, s’il considère que l’audition de certains salariés de l’entreprise est utile à l’accomplissement de sa mission, peut y procéder à la condition d’obtenir l’accord des salariés concernés. En cas de contestation par l’employeur, c’est au juge d’apprécier la nécessité des auditions prévues par l’expert au regard de sa mission.
Sur la communication des informations utiles. La Cour de cassation a déclaré qu’en cas de litige, c’est au juge d’apprécier la nécessité des informations réclamées par l’expert pour accomplir sa mission.
Source : Cass. soc. 10‑7‑2024, n° 22-21.082
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