Le recours à la provision pour hausse des prix dans un contexte de forte inflation
Posté le 1 mars 2023
Face à une hausse importante des prix des matières premières, les entreprises cherchent des solutions afin d’en limiter les effets sur leur trésorerie. La provision pour hausse des prix peut représenter un levier fiscal utile dans un contexte de forte inflation tel que nous le connaissons actuellement. Ainsi, ce dispositif permet aux entreprises de pratiquer en franchise d’impôt une provision pour hausse des prix lorsque, pour une matière ou un produit donné, elle constate, au cours d’une période n’excédant pas deux exercices successifs, une hausse supérieure à 10 % (CGI art. 39, 1-5°-al. 11 à 14). Cette provision est rapportée de plein droit aux bénéfices imposables de l’exercice en cours à l’expiration de la sixième année suivant la date de cette clôture.
Qui peut constituer une provision pour hausse des prix ?
Une provision pour hausse des prix peut être constituée :
- d’une part, par les entreprises exerçant une activité industrielle ou commerciale et soumises à l’impôt sur le revenu d’après leur bénéfice réel (régime normal ou simplifié d’imposition) ;
- d’autre part, par les entreprises passibles de l’impôt sur les sociétés, quelles que soient leur forme et la nature de leur activité (BOI-BIC-PROV-60-30-10 n° 1).
Sont donc exclues du bénéfice de la provision les entreprises qui relèvent du régime des micro-entreprises (CGI art. 50-0).
Pour quels types de stocks ?
L’ensemble des matières, produits et approvi-sionnements en stock, quelle qu’en soit la nature, ouvrent droit à la provision pour hausse des prix, à condition toutefois que leur prix ait subi une hausse suffisante.
Attention. Seuls les stocks peuvent donner lieu à la constitution de provisions pour hausse des prix, à l’exclusion, par conséquent, des travaux en cours (BOI-BIC-PROV-60-30-10 n° 30).
La constitution d’une provision pour hausse des prix suppose qu’à la clôture de l’exercice, l’entreprise ait la qualité de propriétaire des éléments en cause, de telle sorte qu’ils puissent valablement figurer parmi ses stocks.
Comment se calcule la dotation annuelle ?
Le montant maximal de la dotation pouvant être porté au compte « Provision pour hausse des prix » est déterminé à la clôture de l’exercice, pour chaque matière, produit ou approvisionnement, en multipliant les quantités existant en stock à la date de cette clôture par la différence entre :
- la valeur unitaire d’inventaire de la matière, du produit ou de l’approvisionnement à cette date ;
- une somme égale à 110 % de sa valeur unitaire d’inventaire à l’ouverture de l’exercice précédent ou, si elle est inférieure, de sa valeur unitaire d’inventaire à l’ouverture de l’exercice considéré.
Autrement dit, une entreprise ne peut constituer une provision pour hausse des prix à la clôture d’un exercice à raison d’une matière, d’un produit ou d’un approvisionnement donné, que si la valeur unitaire d’inventaire de ladite matière ou dudit produit ou approvisionnement à la date de cette clôture est supérieure à 110 % de sa valeur unitaire d’inventaire à l’ouverture de l’exercice précédent ou à l’ouverture de l’exercice considéré.
Lorsqu’elle est déterminée en partant de la valeur unitaire à l’ouverture de l’exercice précédent, la dotation ainsi obtenue est, le cas échéant, diminuée du montant de la dotation effectivement pratiquée à la clôture dudit exercice (CGI ann. III art. 10 nonies).
Attention. Le montant de la dotation ne peut excéder 15 M€. Ce plafond s’apprécie par période de 12 mois au titre de chaque exercice (CGI art. 39, 1-5-al. 11). Dans l’hypothèse où l’exercice est d’une durée différente de 12 mois, le plafond est ajusté de façon proportionnelle. Ainsi, pour un exercice d’une durée de 9 mois, le plafond s’élève à : 15 × 9/12 = 11,25 M€.
Lorsque la dotation maximale théorique avant plafonnement excède 15 M€, le montant du plafond est majoré. Cette majoration est fixée à 10 % de la provision théorique.
Exemple Lorsque les règles de calcul de la provision aboutissent à une dotation égale à |
Quantités de matières, produits et approvisionnements
La dotation susceptible d’être portée au compte de provision à la clôture de chaque exercice est, dans tous les cas, calculée en fonction des quantités de chaque matière, produit et approvisionnement effectivement inventoriés à la date de cette clôture (CGI ann. III art. 10 nonies, 1).
L’administration précise que le droit à la constitution d’une provision pour hausse des prix doit être apprécié distinctement pour chaque matière, produit ou approvisionnement de nature différente (BOI-BIC-PROV-60-30-10 n° 90). L’exercice n’est pas toujours aisé en pratique surtout pour des entreprises ayant de nombreux articles en stock.
Lorsqu’une entreprise possède en stock diverses qualités d’une même matière ou d’un même produit ou approvisionnement, elle doit, en principe, pour le calcul de la dotation correspondante et notamment pour la détermination de la valeur d’inventaire, faire état d’un stock égal au total des quantités de cette matière, de ce produit ou de cet approvisionnement.
L’administration illustre son propos à l’appui des exemples suivants (BOI-BIC-PROV-60-30-10 n° 90) :
- en ce qui concerne le bois, les entreprises doivent grouper leurs matières premières en trois rubriques englobant les diverses essences : l’une comprenant les bois sur pied, la deuxième les produits forestiers abattus, la troisième les bois sciés ;
- en matière de textiles, les quantités de déchets doivent être totalisées avec les quantités de la matière première correspondante proprement dite ;
- les combustibles (charbon, boulets, coke) peuvent être considérés comme une seule matière et, par suite, les quantités correspondantes doivent être groupées.
Toutefois, il est admis que les entreprises opèrent une différenciation entre les qualités d’une même matière, d’un même produit ou d’un même approvisionnement, sous réserve que chacune des qualités ainsi retenues distinctement se retrouve avec les mêmes caractéristiques aux inventaires successifs (BOI-BIC-PROV-60-30-10 n° 90).
Les entreprises dont les produits en stock à la clôture d’exercices successifs ne sont pas de même nature – par suite ne sont pas strictement comparables – se trouvent, en principe, exclues, à raison desdits produits, du champ d’application des provisions pour hausse des prix.
À titre d’illustration, une société de négoce de vins ne peut pas bénéficier de la provision pour hausse des prix lorsque, pour la constituer, elle répartit par appellation d’origine les vins dont elle fait le négoce mais regroupe au sein de chaque appellation des vins de qualités et de prix différents sans effectuer de distinction et modifie d’une année sur l’autre la part respective des vins de même qualité à l’intérieur des appellations.
Toutefois, l’administration admet la constitution d’une provision pour des produits qui, bien que quelque peu différents par nature de ceux existants à l’ouverture de l’exercice considéré ou de l’exercice précédent, ont des valeurs d’inventaire comparables à celles conférées à ces derniers produits, la différence de prix constatée provenant essentiellement d’une hausse des prix (BOI-BIC-PROV-60-30-10 n° 100).
Lorsqu’une entreprise possède plusieurs établissements, les quantités de la même matière ou du même produit ou approvisionnement comprises dans les stocks de ces divers établissements doivent être totalisées.
Valeur unitaire d’inventaire
L’administration précise que les valeurs unitaires d’inventaire dont il doit être fait état pour l’appréciation du droit à la provision pour hausse des prix et le calcul de ladite provision sont les évaluations d’inventaire conférées à chacune des matières et à chacun des produits et approvisionnements en stock, c’est-à-dire le prix de revient, diminué, le cas échéant, du montant de la dépréciation qui a pu être constatée par voie de provision (BOI-BIC-PROV-60-30-10 n° 180).
Modalités de calcul pour la valeur d’inventaire d’un produit en fonction des hypothèses suivantes |
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Hypothèses | Clôture 2020 | Clôture 2021 | Clôture 2022 | Provision à constituer en 2022 |
1 | 100 | 105 | 130 | 130 – (100 × 1,1) = 20 |
2 | 100 | 115 | 130 | 130 – (100 × 1,1) = 20 Puis : 20 – Provision 2021 [soit 115 – (100 × 1,1)] = 15 (1) |
3 | 105 | 100 | 115 | 115 – (100 × 1,1) = 5 |
4 | 95 | 105 | 100 | Pas de provision (2) |
5 | 100 | 105 | 110 | Pas de provision (3) |
(1) Le montant obtenu en 2022 est réduit du montant de la provision constituée en 2021 même si les quantités étaient différentes. (2) Il n’y a pas de provision à constituer en 2022 car le critère de la hausse des prix supérieure à 10 % n’est rempli ni en 2022 versus 2021 (il y a même une baisse de prix) ni en 2022 versus 2020 (hausse de moins de 10 %). Toutefois, une provision a été possible en 2021 [105 – (95 × 1,1)]. (3) Il n’y a pas de provision à constituer en 2022 car le critère de la hausse des prix supérieure à 10 % n’est pas rempli. |
Quelle comptabilisation ?
Pour être admise en déduction des bases de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés, la provision pour hausse des prix doit avoir été effectivement constatée dans les écritures de l’exercice (CGI art. 39, 1-5°-al. 1).
Par ailleurs, elle doit figurer sur le tableau des provisions joint à la déclaration des résultats de chaque exercice (BOI-BIC-PROV-60-30-20 n° 10).
Elle doit être inscrite au passif du bilan de l’entreprise sous une rubrique spéciale faisant ressortir séparément le montant des dotations de chaque exercice (CGI ann. III art. 10 decies). Cette obligation se justifie par le fait que l’époque du rapport de la provision aux bénéfices imposables est différente pour chaque dotation.
En pratique, les entreprises doivent procéder de la façon suivante, selon qu’elles relèvent du régime simplifié d’imposition ou du régime du bénéfice réel :
- celles relevant du régime simplifié doivent servir l’annexe n° 2033 D jointe à la déclaration n° 2031 ;
- celles relevant du régime du bénéfice réel doivent inscrire le montant global de la provision sur la ligne appropriée de l’imprimé n° 2056.
Ce montant doit par ailleurs être détaillé séparément sur un feuillet annexe, selon l’année de constitution de la provision.
La provision pour hausse des prix a un caractère facultatif : l’entreprise n’est pas tenue de doter la provision maximale à laquelle elle a droit et peut même s’abstenir de la pratiquer.
Lorsqu’une entreprise ne constitue pas à plein la provision à laquelle elle peut prétendre, il lui appartient de répartir le montant de la dotation pratiquée entre les diverses matières et les divers produits ou approvisionnements pour lesquels elle a calculé la dotation (BOI-BIC-PROV-60-30-20 n° 30).
L’administration précise que la dotation n’est pas limitée par le bénéfice imposable de l’entreprise. La provision pour hausse des prix peut notamment :
- être opérée ou constituée, même lorsque les résultats de l’exercice avant ou après déduction, s’il y a lieu, des déficits antérieurs, sont déficitaires ;
- rendre déficitaire un exercice qui, sans elle, eût été bénéficiaire (BOI-BIC-PROV-60-30-20 n° 40).
En pratique. Les entreprises bénéficiaires auront en principe intérêt à calibrer le montant de la provision de manière à éviter la création d’un déficit reportable.
Quelles modalités de reprise de la provision ?
La reprise doit, en principe, intervenir au plus tard à l’expiration de la sixième année suivant la clôture de l’exercice au cours duquel la provision a été constituée (CGI art. 39, 1-5°-al. 12).
Exemple Pour une entreprise dont l’exercice coïncide avec l’année civile, la provision déduite des résultats de l’exercice 2022 devra être rattachée aux bénéfices imposables de l’exercice qui sera clos le 31-12-2028. |
Toutefois, s’agissant d’une provision purement fiscale, la provision peut être reprise de façon anticipée avant la fin de ce délai, pour quelque motif que ce soit (BOI-BIC-PROV-60-30-30 n° 10).
En pratique. La réintégration spontanée de la provision pour hausse des prix avant l’expiration du délai légal peut intéresser notamment les entreprises qui souhaitent éviter la constatation d’un déficit fiscal (dont le report en avant est plafonné) au titre d’un exercice suivant la dotation de ladite provision.
Dans les secteurs professionnels où la durée normale de rotation des stocks est supérieure à 3 ans, la réintégration de la provision dans les bénéfices peut être effectuée après la sixième année. Dans ce cas, les entreprises effectuent la réintégration dans un délai double de celui de la rotation des stocks (CGI art. 39, 1-5°- al. 12).
Exemple Pour une entreprise dont la durée de rotation du stock est de 3 ans et 4 mois, la provision constituée à la clôture d’un exercice donné peut n’être rapportée qu’aux résultats de l’exercice en cours 6 ans et 8 mois après la clôture de l’exercice considéré. |
En revanche, en cas de cession ou de cessation d’activité, les provisions pour hausse des prix précédemment constituées et non encore rapportées aux bases de l’impôt deviennent sans objet et doivent donc, en principe, être rattachées aux bénéfices immédiatement imposables (BOI-BIC-PROV-60-30-30 n° 90). Il en est de même dans le cas où l’entreprise, changeant d’objet ou de mode d’exploitation, a cédé la totalité de son stock.
Toutefois, des dérogations à cette règle sont prévues dans le cas de fusion ou d’apport partiel ou lorsque l’exploitation est continuée par le conjoint ou les héritiers ou successibles en ligne directe ou en cas de transformation d’une entreprise individuelle en société.
Quelles sont les pièces à joindre à la déclaration de résultats ?
Les entreprises ayant comptabilisé une provision pour hausse des prix doivent fournir au service des impôts, à l’appui de la déclaration des résultats de chaque exercice, tous renseignements utiles sur les éléments de calcul de la provision (CGI ann. III art. 10 terdecies, 1). Il s’agit notamment des informations suivantes :
- les quantités de chacune des matières et de chacun des produits et approvisionnements existant à la clôture de l’exercice considéré et à raison desquels l’entreprise entend pratiquer une provision ;
- la valeur unitaire d’inventaire de chacun des éléments à la clôture dudit exercice et ses valeurs unitaires d’inventaire à l’ouverture et à la clôture de l’exercice précédent ;
- le montant de la dotation au compte « Provision » pouvant être pratiquée à la clôture de l’exercice considéré ;
- le montant de la dotation effectivement pratiquée ;
- et, le cas échéant, le montant de la dotation antérieure qui a été rapportée au bénéfice imposable (CGI ann. III art. 10 terdecies, 1).
À noter. Les entreprises dont la durée normale de rotation des stocks est supérieure à 3 ans doivent, si elles entendent se prévaloir de l’extension du délai de rapport des provisions aux bénéfices imposables, joindre à la déclaration des résultats une note faisant connaître les divers éléments ayant servi à la détermination de cette durée (CGI ann. III art. 10 terdecies, 2).
Avantages et inconvénients de la provision ?
Si la provision pour hausse des prix constitue un mécanisme de soutien à la trésorerie des entreprises, il importe néanmoins d’appréhender l’ensemble des avantages et inconvénients avant de décider de recourir à un tel dispositif.
Avantages | Inconvénients |
Elle permet de réduire l’impact sur le résultat taxable de l’augmentation des prix sans impacter le résultat d’exploitation puisque, comme toute provision réglementée, elle est constatée en résultat exceptionnel |
Le fait de constituer une provision pour hausse des prix réduit le résultat net et empêche de distribuer le résultat positif résultant de l’augmentation des matières premières |
Elle n’aura aucun impact sur le ratio d’endettement car elle figure dans les capitaux propres |
La provision entraîne une diminution temporaire de la participation des salariés. La provision réduisant le résultat fiscal, la base de calcul de la participation est mécaniquement diminuée |
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