Caractère normal d’une cession de titres à un dirigeant en exécution d’une promesse unilatérale

Posté le 15 avril 2022

Le Conseil d’Etat précise les conditions d’application de sa jurisprudence Sté Croë Suisse (CE plén. 21-12-2018 n° 402006) dans un litige portant sur la cession de titres à un dirigeant pour un prix inférieur à leur valeur vénale dans le cadre d’un mécanisme d’intéressement.

En l’espèce, une société holding cède au directeur commercial de sa filiale des actions de celle-ci au prix unitaire d’1 € en exécution d’une promesse de vente consentie à ce dernier deux ans plus tôt, ce prix étant substantiellement inférieur à leur valeur vénale à la date de la cession (3,838 €).

La cour administrative d’appel, après avoir relevé l’existence d’un écart significatif entre la valeur vénale et le prix de cession des actions, qui n’était pas discuté par la société, et examiné les justifications apportées par l’entreprise quant à l’intérêt qu’elle avait trouvé à s’appauvrir, considère que la société a consenti au cessionnaire une libéralité constitutive d’un acte anormal de gestion aux motifs que la « société ne démontrait pas que son intérêt était de vendre les titres de la filiale à 1 € et qu’elle ne pouvait pas faire autrement ».

Le Conseil d’Etat casse pour erreur de droit l’arrêt de la cour en lui reprochant de n’avoir pas recherché, si en consentant la promesse de vente des actions à un prix irrémédiablement fixé à 1 € à cette date, la société avait agi conformément à son intérêt, compte tenu des avantages résultant de l’implication complémentaire qu’elle pouvait attendre du directeur commercial de sa filiale du fait de l’option d’achat qu’elle lui attribuait sur les titres de celle-ci.

La Haute Juridiction règle ensuite l’affaire au fond et juge que l’administration n’apporte pas la preuve de l’inexistence ou de l’insuffisance de contreparties de la promesse de vente. Elle écarte les arguments de l’administration tirés de l’absence de qualité de salarié du dirigeant bénéficiaire de l’option d’achat, de l’absence de condition de durée de présence dans l’entreprise ou de durée minimale de conservation des titres acquis dans la promesse et du caractère prévisible de l’accroissement de la valeur des titres de la filiale dès l’année de la promesse indépendamment de l’action de l’intéressé.

Le Conseil d’Etat considère que la société n’a pas commis d’acte anormal de gestion en consentant cette promesse au motif qu’elle y avait un intérêt dans la mesure où elle incitait son bénéficiaire, directeur commercial, à développer le chiffre d’affaires de sa filiale dont les titres sont cédés tout en permettant à la société cédante de valoriser sa propre participation.

À noter
Alors que les juges du fond se sont prononcés sur le caractère anormal de la cession et du prix de celle-ci, le juge de cassation examine la normalité de la promesse de vente d’actions à un prix déterminé et l’intérêt de l’entreprise à la date de celle-ci. En d’autres termes, c’est à la date de conclusion de la promesse qu’il convient de se placer pour apprécier si la société commet un acte anormal de gestion et il appartient à l’administration de démontrer que l’attribution de l’option d’achat ne se rattachait pas à une gestion commerciale normale.

La solution retenue par le Conseil d’État est de nature à améliorer la sécurité juridique des entreprises recourant aux mécanismes d’intéressement de leurs dirigeants et salariés (plans de souscription ou d’achat d’actions, promesse de cession de titres…).

 

Source : CE 11-3-22 n° 453016

© Lefebvre Dalloz

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