Réforme des sûretés : décryptage
Posté le 1 janvier 2022
Le cautionnement unifié et simplifié
Afin d’assurer notamment une meilleure protection de la caution personne physique, les dispositions régissant le cautionnement qui étaient réparties au sein de différents Codes (Code civil, Code de la consommation, etc.) sont unifiées et désormais regroupées au sein du Code civil.
Mention spécifique (C. civ. art. 2297)
Jusqu’à présent, toute personne physique se portant caution, par acte sous seing privé, envers un créancier professionnel devait apposer, dans l’acte de cautionnement, une mention manuscrite dont la formulation était imposée par la loi.
Exigée à peine de nullité de l’acte de cautionnement, cette mention doit permettre à la caution de mesurer la portée et l’étendue de son engagement. Elle donne cependant lieu à de nombreux contentieux lorsque sa reproduction est inexacte.
En 2022, que le créancier soit un professionnel ou non, la caution personne physique demeure tenue d’apposer une mention mais qui n’est plus prédéfinie. Elle doit simplement indiquer, toujours à peine de nullité de son engagement, qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d’un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme écrite en toutes lettres.
Si la caution renonce au bénéfice de discussion et/ou de division (cas du cautionnement solidaire), elle doit reconnaître dans cette mention ne pouvoir exiger du créancier qu’il poursuive d’abord le débiteur (bénéfice de discussion) ou qu’il divise ses poursuites entre les cautions (bénéfice de division). À défaut, la caution pourra se prévaloir de ces bénéfices.
La personne physique qui donne mandat à autrui de se porter caution doit également apposer cette mention.
La mention n’est plus nécessairement manuscrite, elle peut désormais être apposée par voie électronique dès lors qu’elle l’est par la caution elle-même et non par un tiers.
Le cautionnement est désormais de nature commerciale, quelle que soit la qualité de la caution, dès lors que la dette est commerciale
Devoir de mise en garde (C. civ. art. 2299)
Le créancier professionnel est désormais tenu à un devoir de mise en garde vis-à-vis des seules cautions personnes physiques, qu’elles soient ou non averties, lorsque l’engagement du débiteur principal est inadapté aux capacités financières de ce dernier. Ce devoir de mise en garde, d’origine jurisprudentiel, ne concernait jusqu’à présent que les cautions non averties (cautions profanes). Le non-respect de cette obligation n’est plus sanctionné par la mise en jeu de la responsabilité du créancier mais par la déchéance de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci.
Disproportion du cautionnement (C. civ. art. 2300)
Jusqu’à présent, lorsque l’engagement de la caution personne physique était, lors de sa conclusion, mani-festement disproportionné à ses biens et revenus, le créancier professionnel ne pouvait se prévaloir du cautionnement et la caution était alors déchargée de son engagement, à moins que son patrimoine ne lui permette de faire face à son engagement lorsqu’elle était appelée en garantie. La sanction est désormais moins stricte : le cautionnement est réduit au montant à hauteur duquel la caution pouvait s’engager à la date de conclusion de l’acte de cautionnement. La possibilité pour le créancier de poursuivre la caution en cas de retour à meilleure fortune en dépit du cautionnement disproportionné est supprimée.
Obligation d’information de la caution
Les différents textes (Code civil, Code de la consommation, Code monétaire et financier) imposant au créancier professionnel d’une part, d’informer chaque année la caution sur l’évolution de la dette garantie et, d’autre part, de l’informer en cas d’incidents de paiement du débiteur sont abrogés et remplacés par une disposition unique dans le Code civil pour chacune de ces obligations. Leurs champs d’application, contenus et sanctions différaient en effet selon que le cautionnement était donné par une personne physique ou non au profit d’un créancier professionnel ou d’un établissement de crédit.
Information annuelle (C. civ. art. 2302)
L’information annuelle sur l’évolution de la dette garantie doit être délivrée :
– à toute caution personne physique engagée envers un créancier professionnel ;
– à toute caution personne morale engagée envers un établissement de crédit ou une société de financement en garantie d’un concours financier accordée à une entreprise.
Le créancier professionnel (ou l’établissement de crédit) doit, avant le 31 mars de chaque année, informer la caution du montant du principal de la dette garantie, des intérêts et autres accessoires restant dus au 31 décembre de l’année précédente.
Le non-respect de cette obligation est sanctionné par la déchéance du droit pour le créancier de réclamer à la caution le paiement des intérêts et pénalités échus depuis la date de la précédente information jusqu’à la date de la nouvelle information. Si le débiteur effectue des paiements durant cette période, ils s’imputent prioritairement sur le principal de la dette.
Dans le cadre de cette information, le créancier doit également rappeler à la caution le terme de son engagement ou, si le cautionnement est à durée indéterminée, sa faculté de résiliation à tout moment et les conditions de mise en oeuvre de celle-ci.
La facturation de cette information au débiteur principal est désormais interdite (elle l’était déjà à l’égard de la caution).
Information en cas de défaillance du débiteur (C. civ. art. 2303)
Le créancier professionnel doit également informer la caution personne physique de la défaillance du débiteur principal dès le 1er incident de paiement non régularisé dans le mois de l’exigibilité de ce paiement, à peine de déchéance du droit de demander à la caution le paiement des intérêts et pénalités échus entre la date de cet incident et la date d’information de la caution.
Information de la sous-caution par la caution (C. civ. art. 2304)
La caution doit désormais communiquer, à ses frais, à la sous-caution personne physique les informations qu’elle a reçues du créancier professionnel (information annuelle sur la dette / défaillance du débiteur principal), et ce, dans le mois qui suit leur réception. La sous-caution s’engage en effet à payer à la caution ce que peut lui devoir le débiteur principal en raison du cautionnement.
Exceptions opposables au créancier par la caution (C. civ. art. 2298)
Jusqu’à présent, la caution ne pouvait opposer au créancier la poursuivant que les exceptions appartenant au débiteur principal et inhérentes à la dette (nullité, prescription, remise totale ou partielle de dette, etc.). Elle peut désormais lui opposer les exceptions purement personnelles au débiteur (vice du consentement de ce dernier, par exemple). Elle ne pourra toutefois pas invoquer :
– l’incapacité du débiteur personne physique dès lors qu’elle en avait connaissance ;
– les mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur à la suite de sa défaillance, sauf disposition spéciale contraire.
Recours de la caution contre le débiteur principal
Recours avant paiement
Le recours dont bénéficiait (dans certains cas) la caution contre le débiteur avant même d’avoir payé le créancier est supprimé. En cas de procédure collective du débiteur principal, la caution conserve toutefois la possibilité de déclarer sa créance même si elle n’a pas encore payé le créancier (C. com. art. L 622-34).
Perte du recours (C. civ. art. 2311)
La caution perd désormais son recours contre le débiteur principal si elle a payé la dette sans l’avoir averti et si celui-ci l’a acquittée ultérieurement ou disposait, au moment du paiement, des moyens de la faire déclarer éteinte. Jusqu’à présent, la caution perdait son recours si elle avait payé la dette alors même qu’elle n’était pas poursuivie par le créancier. La caution conserve toutefois la possibilité d’agir en restitution contre le créancier.
Décharge de la caution
Extinction du cautionnement de dettes futures (C. civ. art. 2316)
Lorsque la caution garantit des dettes futures (compte courant, par exemple) et que ce cautionnement prend fin (survenance du terme, résiliation), elle reste tenue des dettes nées antérieurement à l’extinction du cautionnement (même si leur date d’exigibilité est postérieure), sauf clause contraire. La caution n’a donc pas à régler les dettes nées postérieurement à la fin du cautionnement.
À noter que la caution du solde d’un compte courant ou de dépôt ne peut plus être poursuivie 5 ans après la fin du cautionnement.
Décès de la caution (C. civ. art. 2317)
Les héritiers de la caution ne sont tenus que des dettes nées antérieurement au décès. Toute clause contraire est réputée non écrite.
Dissolution de la personne morale (C. civ. art. 2318)
Lorsque le débiteur principal ou le créancier est une personne morale et que celle-ci est dissoute du fait d’une fusion, d’une scission ou d’une transmission universelle de patrimoine (C. civ. art. 1844-5 al. 3), la caution demeure tenue pour les dettes nées avant que l’opération de restructuration ne soit devenue opposable aux tiers. Concernant les dettes nées postérieurement, elle ne continue à les garantir que si elle y a consenti lors de l’opération ou par avance (cas d’une société créancière).
Lorsque la caution est une personne morale (société, association loi 1901), sa dissolution pour les raisons précédemment évoquées entraîne la transmission de toutes les obligations issues du cautionnement à la personne morale issue de l’opération. Le cautionnement est donc maintenu.
Entrée en vigueur La réforme concerne les sûretés constituées depuis le 1-1-2022. Sont donc concernés les cautionnements conclus à compter de cette date. Ceux conclus avant 2022 restent soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public. Seules les dispositions relatives à l’obligation d’information de la caution et de la souscaution (information annuelle / information de la défaillance du débiteur) s’appliquent dès 2022, y compris aux cautionnements constitués avant cette date. |
Les nouveautés de la réforme concernant le gage de droit commun
Si le débiteur n’honore pas sa dette, le gage permet au créancier soit de conserver la propriété du bien meuble corporel donné en garantie, soit d’obtenir sa vente pour se faire payer sur le prix, par préférence aux autres créanciers.
Gage d’immeuble par destination (C. civ. art. 2334)
Le Code civil autorise désormais le gage portant sur un immeuble par destination. Il en est ainsi lorsque le gage porte sur un bien meuble, généralement d’une valeur importante, qui a vocation à être rattaché à un immeuble de manière fixe et dont la séparation de ce dernier nécessite un descellement (panneaux solaires, par ex.), que la mise en gage du bien ait eu lieu avant ou après son intégration à l’immeuble. Le bien immobilisé par destination pourra être saisi indépendamment de l’immeuble dont il dépend dès lors qu’il peut en être séparé sans dommage.
Nullité relative du gage du bien d’autrui (C. civ. art. 2335)
Lorsque le gage a été constitué sur un bien dont le débiteur n’était pas le propriétaire, seul le créancier gagiste de bonne foi – qui ignorait que le bien n’appartenait pas au débiteur – peut invoquer la nullité du gage.
Vente du bien gagé (C. civ. art. 2346)
S’il est déjà titulaire d’un titre exécutoire (jugement, etc.), le créancier gagiste peut désormais procéder immédiatement à la vente forcée du bien sans avoir à demander l’autorisation du juge.
Par ailleurs, si le gage est constitué en garantie d’une dette professionnelle, le créancier peut faire procéder à la vente publique du bien par un notaire, un huissier de justice, un commissaire-priseur judiciaire ou un courtier de marchandises assermenté, 8 jours après une simple signification faite au débiteur et, le cas échéant, au tiers constituant du gage.
Suppression de certains gages spéciaux
Les dispositions spécifiques à certains gages sont supprimées car devenues inutiles ou obsolètes. Il en est ainsi du gage commercial, du gage des stocks, du gage automobile (1), des warrants pétrolier, hôtelier et industriel (seul le warrant agricole subsiste). Ils relèvent désormais des règles du droit commun du gage. Le gage commercial nécessite ainsi désormais un écrit, comme le gage civil, alors qu’il en était jusqu’à présent dispensé.
(1) Suppression en 2023 au plus tard, la publicité du gage sera toutefois maintenue.
Les apports de la réforme concernant le nantissement
Comme pour le gage, le nantissement consiste à affecter, en garantie d’une obligation, un bien meuble mais incorporel.
Nantissement de créance (C. civ. art. 2357, 2361 et 2363)
En cas de nantissement d’une créance future, le créancier nanti acquiert désormais un droit sur la créance dès la date de l’acte de nantissement (et non plus à la date de naissance de la créance). En cas de contestation de la date du nantissement, le créancier nanti peut la rapporter par tout moyen.
Sous réserve d’avoir notifié le nantissement au débiteur, le créancier dispose d’un droit de rétention sur la créance nantie, primant les autres créanciers, qui lui donne un droit exclusif au paiement.
Le débiteur, quant à lui, peut désormais opposer au créancier les exceptions inhérentes à la dette ainsi que celles nées de ses rapports avec le constituant avant que le nantissement ne lui soit devenu opposable.
Le créancier nanti ne dispose pas d’un droit de rétention,
sauf nantissement de créance ou de compte-titres
Nantissements de créance successifs (C. civ. art. 2361-1)
L’ordonnance consacre la possibilité de constituer plusieurs nantissements sur une même créance, le rang du créancier étant alors déterminé en fonction de la date de l’acte. En cas de conflit entre les créanciers nantis, le créancier 1er en date dispose d’un recours contre celui qui a reçu un paiement du débiteur.
Nantissement de compte-titres financiers (C. mon. fin. art. L 211-20)
Ce dispositif permet d’affecter en garantie d’une créance un compte sur lequel des titres financiers (actions, obligations, etc.) sont affectés. Les parties peuvent désormais exclure de l’assiette du nantis-sement les fruits et produits (dividendes, intérêts). Si tel n’est pas leur choix, un compte spécial « fruits et produits » doit être ouvert. Son ouverture peut se faire à tout moment avant la date de réalisation du nantis-sement. Dans ce cas, les fruits et produits sont considérés comme faisant partie intégrante du compte-titres nanti. Si le compte n’est pas ouvert à la date de réalisation du nantissement, les fruits et produits sont dans ce cas exclus de l’assiette du nantissement.
Enfin, la possibilité de nantir successivement un même compte-titre est expressément consacrée, le rang des créanciers successifs étant réglé par l’ordre de leur déclaration.
Nantissement de parts sociales (C. civ. art. 1866)
Les règles de constitution, de publicité et d’opposabilité du nantissement de parts de sociétés civiles sont alignées sur celles applicables aux SARL et SNC, ce sont les règles du droit commun du gage de meubles corporels qui s’appliquent, avec toutefois une procédure aménagée en cas de pacte commissoire prévoyant que le créancier devient propriétaire des parts en cas de défaillance du débiteur.
Nantissement d’outillage et de matériel d’équipement
Le nantissement d’outillage et de matériel d’équipement est supprimé. Ces biens peuvent désormais être gagés selon le droit commun du gage.
Le gage-espèces codifié (C. civ. art. 2374 et s.)
Très utilisé en pratique par les banques mais dépourvu de base légale, le gage-espèces consiste à céder une somme d’argent (en euros ou dans une autre monnaie) en garantie d’une ou plusieurs créances. Ce dispositif est désormais codifié dans le Code civil.
Un écrit comportant la désignation des créances garanties (qui peuvent être futures) est nécessaire à peine de nullité et l’opposabilité aux tiers du gage-espèces s’effectue par la remise de la somme cédée.
Le cessionnaire devient propriétaire de la somme cédée et peut donc en disposer librement, sauf clause contraire dans l’acte (qui peut par exemple prévoir que la somme doit être conservée sur un compte spécialement affecté), et un intérêt peut être prévu au profit du cédant. Si le cessionnaire n’a pas la libre disposition de la somme cédée, les fruits et intérêts de celle-ci augmentent l’assiette de la garantie (sauf clause contraire).
En cas de défaillance du débiteur, le cessionnaire peut imputer le montant de la somme cédée (augmentée des fruits et intérêts s’il y a lieu) sur la créance garantie. L’excédent éventuel doit être restitué au débiteur.
Si la créance garantie est intégralement payée, le cessionnaire doit restituer au cédant la somme cédée, augmentée des éventuels fruits et intérêts.
La cession de créance à titre de garantie généralisée à toutes les créances (C. civ. art. 2373 et s.)
La cession de créance à titre de garantie ne pouvait jusqu’alors être utilisée que dans le cadre d’une fiducie ou d’une cession de créances professionnelles « Dailly » au profit d’un établissement bancaire (et assimilé). Il est désormais possible d’y recourir, quelle que soit la nature de la créance cédée (professionnelle ou non), et la cession peut intervenir au profit de tout créancier. Ce dispositif est soumis au régime de droit commun de la cession de créance (acte écrit, transfert de créance et opposabilité aux tiers à compter de l’acte de cession, etc.).
Si la créance garantie est intégralement payée avant que la créance cédée ne le soit, le cédant recouvre de plein droit la propriété de celle-ci.
Concernant les sommes versées par le débiteur au cessionnaire, elles s’imputent sur la créance garantie, si elle est échue ; si tel n’est pas le cas, le cessionnaire conserve la propriété des sommes reçues du débiteur dans les mêmes conditions que le gage-espèces.
Ord. 2021-1192 du 15-9-2021, JO du 16
Garanties portant sur le fonds de commerce Le privilège du vendeur de fonds de commerce et le nantissement d’un tel fonds sont modifiés par l’ordonnance mais ces modifications n’entreront en vigueur qu’à une date fixée par décret, et au plus tard le 1-1-2023. |
DossierdumoisLMA409JANVIER.pdf