Loi Asap : impact en droit des affaires
Posté le 2 mars 2021
Commande publique
Marchés de travaux : relèvement temporaire du seuil de dispense de procédure
En dessous d’un certain montant, les marchés publics de travaux peuvent être passés sans publicité ni mise en concurrence préalables. Ce seuil, fixé à 40 000 € HT au 1-1-2020, puis relevé à 70 000 € HT en juillet dernier (Décret 2020-893 du 22-7-2020), est désormais de 100 000 € HT.
La mesure concerne également les marchés divisés en lots, dès lors qu’ils portent sur des travaux dont le montant est inférieur à 100 000 € HT, à condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de l’ensemble des lots.
Cette mesure qui vise à relancer les petits marchés publics de travaux est limitée dans le temps, elle ne s’applique que jusqu’au 31-12-2022 inclus.
La loi Asap précise que les acheteurs sont invités à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre aux besoins.
Dispense de procédure justifiée par un motif d’intérêt général
Les acheteurs peuvent passer des marchés publics sans publicité ni mise en concurrence préalables, lorsque, en raison de l’existence d’une première procédure infructueuse, d’une urgence particulière, de son objet ou de sa valeur estimée, le respect d’une telle procédure est inutile, impossible ou manifestement contraire aux intérêts de l’acheteur ou (désormais) à un motif d’intérêt général. Un décret doit préciser les cas où l’intérêt général pourra être invoqué par l’acheteur.
Accès à la commande publique facilité pour les entreprises en redressement judiciaire
Jusqu’à présent, une entreprise bénéficiant d’un plan de redressement judiciaire ne pouvait se porter candidate à un marché public ou à un contrat de concession que si elle pouvait justifier avoir été habilitée à poursuivre son activité pendant la durée prévisible du marché. Cette condition est désormais supprimée. Cette mesure faisait déjà partie des dispositions temporaires prises en juin dernier (Ord. 2020-738 du 17-6-2020), elle est donc pérennisée.
De même, l’acheteur public ne peut pas résilier un contrat en cours d’exécution au seul motif que son titulaire fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire.
Marchés globaux : une quote-part minimale réservée aux artisans et PME
Comme pour les marchés de partenariat, une partie de l’exécution des marchés globaux (marchés de conception-réalisation, marchés globaux de performance, marchés globaux sectoriels) doit désormais être réservée aux PME et artisans. Un décret doit fixer le montant de cette part minimale (actuellement fixée à 10 % jusqu’au 10-7-2021 par l’ordonnance du 17-6-2020).
Par ailleurs, la part d’exécution du marché que le soumissionnaire s’engage à confier à des PME ou à des artisans constitue désormais un critère d’attribution des marchés globaux dont l’acheteur doit tenir compte lors de l’appréciation des offres.
Marchés publics réservés à des publics spécifiques
Le Code de la commande publique permet de réserver des marchés publics à des structures employant des travailleurs handicapés (entreprises adaptées – EA –, établissements et services d’aide par le travail – ESAT –) ou des personnes défavorisées (structures d’insertion par l’activité économique – SIAE –). L’acheteur public n’a désormais plus à faire un choix entre ces deux types de publics, il peut réserver un même marché ou un même lot d’un marché à la fois aux structures qui emploient des travailleurs handicapés et à celles qui emploient des personnes défavorisées.
Création d’un dispositif de circonstances exceptionnelles
Les règles de procédure et d’exécution des contrats publics ont été adaptées en urgence dès le mois de mars 2020 (Ord. 2020-319 du 25-3-2020) afin de permettre aux acheteurs et aux entreprises de poursuivre les procédures de passation et l’exécution des contrats en cours malgré la crise sanitaire.
S’inspirant de ces mesures exceptionnelles, la loi Asap instaure des dispositions dérogeant à certaines règles du Code de la commande publique qui pourront être mises en oeuvre en cas de circonstances exceptionnelles, dès lors que celles-ci affectent les modalités de passation ou les conditions d’exécution des contrats publics.
Grâce à ce dispositif, les acheteurs pourront notamment :
- aménager les modalités pratiques de la consultation, dans le respect du principe d’égalité de traitement des candidats ;
- prolonger par avenant les contrats qui arrivent à échéance pendant la période de circonstances exceptionnelles, si l’organisation d’une procédure de mise en concurrence ne peut être mise en oeuvre ;
- proroger le délai d’exécution du contrat lorsque son titulaire n’est pas en mesure de le respecter ;
- passer un marché de substitution avec un tiers en cas de difficulté d’exécution du contrat par le titulaire initial sans que cette exécution se fasse aux frais et risques de ce dernier.
Ces mesures dérogatoires ne pourront être mises en oeuvre que par un décret, pour une période maximale de 2 ans (avec prorogation éventuelle autorisée par la loi).
Modification des marchés publics passés avant avril 2016
Les dispositions du Code de la commande publique concernant les modalités de modification des contrats en cours d’exécution s’appliquent désormais à tous les contrats de la commande publique, quelle que soit leur date de passation. Les marchés publics pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis d’appel à la concurrence a été envoyé à la publication avant le 1-4-2016 (date d’entrée en vigueur de la réforme des marchés publics) peuvent donc désormais être modifiés sans nouvelle procédure de mise en concurrence.
Marchés de services juridiques
Les marchés de services juridiques (représentation légale d’un client par un avocat dans le cadre d’une procédure juridictionnelle ou d’un mode alternatif de règlement des conflits, consultation juridique en vue de la préparation de toute procédure) sont désormais exclus du champ d’application de la commande publique. Ils ne sont donc plus soumis aux règles de publicité et de mise en concurrence.
Relations fournisseurs-distributeurs
Relèvement du seuil de revente à perte et encadrement des promotions prorogés
Mis en place à titre expérimental en 2019 par la loi Égalim de 2018 (loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire), le dispositif relevant, d’une part, le seuil de revente à perte des denrées alimentaires et des produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie revendus en l’état aux consommateurs et encadrant, d’autre part, les promotions sur ces produits est reconduit pour 2 ans (il devait prendre fin en 2021). À noter que l’outre-mer n’est pas concerné par ce dispositif.
Sont donc maintenus pour ces produits jusqu’au 15-4- 2023 :
- le relèvement de 10 % du seuil de revente à perte (prix plancher en dessous duquel le distributeur ne peut revendre un produit). Autrement dit, les distributeurs ne peuvent pas réaliser une marge inférieure à 10 % de leur prix d’achat effectif.
- l’encadrement en valeur et en volume des promotions (immédiates ou différées) ayant pour effet de réduire le prix de vente au consommateur. Les produits périssables et menacés d’altération rapide ne sont pas concernés par cet encadrement, à condition que l’avantage promotionnel ne fasse l’objet d’aucune publicité ou annonce à l’extérieur du point de vente.
– encadrement en valeur : les avantages promotionnels, le cas échéant cumulés, accordés au consommateur pour un produit déterminé ne peuvent pas être supérieurs à 34 % du prix de vente ou à une augmentation équivalente de la quantité vendue.
– encadrement en volume : qu’ils soient accordés par le fournisseur ou par le distributeur, les avantages promotionnels ne peuvent porter que sur des produits ne représentant pas plus de 25 % soit du chiffre d’affaires prévisionnel fixé par la convention unique « produits de grande consommation » (C. com. art. L 441-4), soit du volume prévisionnel convenu entre le distributeur et le fournisseur pour les produits sous marques de distributeurs (MDD), soit des engagements de volume portant sur des produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production, d’animaux vifs, de carcasses ou pour les produits de la pêche et de l’aquaculture.
Une dérogation est toutefois instaurée par la loi Asap à cet encadrement en volume. Il ne s’applique pas à certains produits alimentaires saisonniers jusqu’au 1-3-2023. Sont concernées les denrées pour lesquelles plus de la moitié des ventes annuelles aux consommateurs est, de façon habituelle, concentrée sur une durée n’excédant pas 12 semaines au total, soit les chocolats de Noël et de Pâques, les foies gras, les champignons sylvestres (en conserve, surgelés ou déshydratés) et les escargots préparés (en conserve, surgelés ou frais) (selon un arrêté du 29-1-2021 et du 16-2-2021). La mise en oeuvre de cette dérogation nécessite une demande motivée de l’interprofession ou d’une organisation professionnelle représentative des denrées concernées, accompagnée de justificatifs prouvant la saisonnalité du produit.
Le non-respect par le fournisseur ou le distributeur du dispositif d’encadrement des promotions est puni d’une amende administrative d’un montant maximal de 75 000 € pour une personne physique et de 375 000 € ou la moitié des dépenses de publicité effectuées au titre de l’avantage promotionnel pour une personne morale (montants doublés en cas de réitération du manquement dans un délai de 2 ans à compter de la date à laquelle la première sanction est devenue définitive).
Convention unique
Afin de permettre plus de transparence sur les contributions financières versées par les fournisseurs aux centrales internationales (notamment de services) des distributeurs, de nouvelles mentions obligatoires doivent désormais figurer dans la convention unique conclue entre le fournisseur et le distributeur : l’objet, la date, les modalités d’exécution, la rémunération et les produits auxquels le service rendu par la centrale étrangère se rapporte.
Dès lors que les sommes versées à ces centrales se rattachent à des produits mis sur le marché dans une surface de vente du distributeur implantée en France, elles doivent être mentionnées dans la convention. Ces sommes concourront, au même titre que les autres éléments de la convention, à la détermination du prix convenu entre le fournisseur et le distributeur. La DGCCRF pourra ainsi plus facilement vérifier la licéité des accords conclus (notamment qu’ils ne comportent pas d’avantage sans contrepartie ou disproportionné ou qu’ils ne créent pas de déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties).
De nouvelles pratiques commerciales prohibées
La loi Asap ajoute à la liste des pratiques considérées comme restrictives de concurrence et donc prohibées, le fait :
– d’imposer des pénalités disproportionnées, au regard de l’inexécution d’engagements contractuels ;
– ou de procéder au refus ou retour de marchandises ou de déduire d’office du montant de la facture établie par le fournisseur les pénalités ou rabais correspondant au non-respect d’une date de livraison, à la non-conformité des marchandises, lorsque la dette n’est pas certaine, liquide et exigible, sans même que le fournisseur ait été en mesure de contrôler la réalité du grief correspondant (la déduction d’office des pénalités était déjà prohibée par le Code de commerce avant d’être supprimée en 2019, cette interdiction est donc rétablie).
Prévention et traitement des entreprises en difficulté
Les règles régissant le droit des entreprises en difficulté ont été adaptées à la crise sanitaire par le biais notamment de l’ordonnance 2020-596 du 20-5-2020. Certaines de ces mesures ont déjà été reconduites jusqu’au 31-12-2021 par l’ordonnance 2020-1443 du 25-11-2020 (prolongation de la durée de conciliation, prise en charge plus rapide des créances salariales par l’AGS, assouplissement de certaines formalités). La loi Asap proroge les autres mesures dérogatoires, dont certaines devaient prendre fin le 30-12-2020 ou le 17-7-2021, jusqu’au 31-12-2021.
La mesure qui permettait la cession de l’entreprise à son dirigeant ou à ses proches lorsque cette cession assurait le maintien d’emplois n’est toutefois pas reconduite.
Pour mémoire, ces adaptations concernent notamment :
– la procédure d’alerte renforcée du commissaire aux comptes (CAC) auprès du président du tribunal ;
– la suspension des poursuites de certains créanciers durant la procédure de conciliation ;
– la suppression des conditions de seuil (20 salariés, 3 M€ de CA HT ou 1,5 M€ de total de bilan du dernier exercice clos) pour bénéficier de la procédure de sauvegarde accélérée ;
– la possibilité pour le juge-commissaire de réduire le délai de consultation des créanciers de 30 jours à 15 jours dans le cadre d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire, outre la communication par tous moyens entre le mandataire judiciaire et les créanciers sur les propositions de règlement (remises et délais, notamment) ;
– la possibilité de soumettre au tribunal un projet de plan sur la base d’un passif prévisible et suffisamment vraisemblable (créances déclarées, admises ou non contestées et créances dont le délai de déclaration n’est pas expiré), attesté par l’expert-comptable ou le CAC, et non d’après un passif déclaré ;
– la prolongation possible par le tribunal de la durée du plan de sauvegarde ou de redressement pour une durée maximale de 2 ans et l’adaptation des délais de paiement initialement fixés dans le plan à cette nouvelle durée ;
– l’allongement à 12 ans de la durée maximale du plan de redressement ou de sauvegarde (17 ans si le débiteur exerce une activité agricole) en cas de modification substantielle du plan et, si cette modification porte sur les modalités d’apurement du passif, le défaut de réponse des créanciers vaut acceptation des modifications proposées (sauf si cela concerne des remises de dettes ou des conversions des dettes en titres donnant ou pouvant donner accès au capital) ;
– le nouveau privilège accordé aux personnes qui consentent un apport de trésorerie au débiteur pendant la période d’observation en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise et sa pérennité ou pour assurer l’exécution du plan de sauvegarde ou de redressement et qui leur permet d’être payées, dans la limite de cet apport, avant les autres créanciers (sauf exceptions) ;
– l’accès à la liquidation judiciaire simplifiée (procédure accélérée de la liquidation judiciaire classique) pour les personnes physiques dont le patrimoine ne comprend pas de biens immobiliers sans avoir à respecter les seuils habituellement requis (salariés ≤ 5, CA HT ≤ 750 000 €), avec toutefois la possibilité pour le tribunal de décider de ne pas appliquer la liquidation judiciaire simplifiée si le nombre de salariés de l’entreprise au cours des 6 mois précédant l’ouverture de la procédure est supérieur à 5 ;
– la possibilité de bénéficier d’une procédure de rétablissement professionnel si l’actif déclaré est inférieur à 15 000 € (au lieu de 5 000 € habituellement).
Remarque :
Les règles de la commande publique sont modifiées afin, notamment, de faciliter l’accès des entreprises en difficulté et des PME aux marchés publics.
Remarque : L’ordonnance du 25-3-2020 toujours applicable
Le ministère de l’économie précise, sur son site internet, que les dispositions dérogatoires de l’ordonnance 2020-319 du 25-3-2020 en matière de commande publique peuvent toujours être mises en oeuvre pour les contrats conclus entre le 12-3-2020 et le 23- 7-2020 inclus en cas de difficultés d’exécution liées à la crise sanitaire. Ces mesures ne sont en effet pas limitées dans le temps.
Remarque :
Le cadre des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs est modifié pour plus de transparence.
Remarque :
Les mesures exceptionnelles en faveur des entreprises en difficulté sont de nouveau prolongées
Remarque : Environnement et urbanisme
La loi Asap contient également des mesures en matière d’urbanisme et d’environnement destinées à simplifier certaines procédures, telle la possibilité (sous conditions) d’exécution anticipée de travaux (déclaration préalable, permis de construire, d’aménager, de démolir) avant délivrance de l’autorisation environnementale.
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