Transiger avec l’Urssaf lorsque cela est possible

Posté le 4 janvier 2021

Avant-propos. L’article 24 de la loi 2014-1554 du 22-12-2014 de financement de la sécurité sociale pour 2015 (JO du 24-12) a permis à l’employeur de solliciter auprès de l’Urssaf dont il relève une transaction dans des conditions très encadrées (CSS art. L 243-6-5).

Plus d’un an après, le décret 2016-154 du 15-2-2016 (JO du 17-2) a défini la procédure selon laquelle l’entreprise et l’Urssaf peuvent conclure une transaction et les modalités d’approbation de cette transaction. Donc, depuis le 18-2-2016, il est, en principe, possible de conclure une transaction avec l’Urssaf.

Mais ce décret a conditionné la possibilité pour un employeur de transiger avec l’Urssaf à l’établissement d’un modèle de proposition de protocole transactionnel publié par arrêté conjoint des ministres chargés de la sécurité sociale et de l’agriculture (CSS R 245-1-1, III-al. 6). Un arrêté interministériel du 8-10-2020 a enfin publié au Journal officiel du 20-10-2020 le modèle de proposition de protocole transactionnel entre un cotisant et un organisme de recouvrement.

C’est l’occasion de revenir dans le détail sur les conditions et la procédure applicable pour conclure définitivement une transaction avec l’Urssaf.

Présenter une demande de transaction auprès de l’Urssaf

Pourquoi demander une transaction ? Une transaction peut être conclue entre l’Urssaf et un employeur pour mettre fin ou prévenir une contestation sur des sommes qui ne sont pas prescrites et qui n’ont pas fait l’objet d’une décision de justice définitive (CSS art. L 243-6-5, I et R 243-45-1, I).

La transaction peut être conclue à la suite d’un contrôle Urssaf ou non. L’employeur peut y recourir qu’il est ou non contesté les sommes réclamées par l’Urssaf.

Attention ! L’employeur ne peut pas demander à transiger avec l’Urssaf s’il a commis un délit de travail dissimulé (par dissimulation d’activité, C. trav. art. L 8221-3 ou par dissimulation d’emploi salarié, C. trav. art. L 8221-5) ou lorsque l’employeur a mis en oeuvre des manoeuvres dilatoires visant à nuire au bon déroulement du contrôle.

Sur quelles sommes est-il possible de transiger ? La transaction peut porter, pour une période limitée à 4 ans, seulement sur :

–        le montant des majorations de retard et les pénalités, notamment celles appliquées en cas de production tardive ou inexactitude des déclarations obligatoires relatives aux cotisations et contributions sociales (les déclarations sociales nominatives – DSN) ;

–        – l’évaluation d’éléments d’assiette de calcul des cotisations ou contributions dues sur les avantages en nature et en argent et sur les frais professionnels, lorsque cette évaluation présente une difficulté particulière ;

–        les montants des redressements calculés en appli­cation d’une fixation forfaitaire d’assiette du fait de l’insuffisance ou du caractère inexploitable des docu­ments administratifs et comptables ou en application des méthodes d’évaluation par extrapolation (CSS art. L 243-6-5, II et R 243-45-1, I).

Qui peut effectuer la demande ? La demande de transaction doit être adressée, par écrit, par l’employeur ou, pour son compte, par son expert-comptable mandaté au directeur de l’Urssaf auprès de laquelle il souscrit ses déclarations (CSS art. L 243-6-5, II et R 243-45-1, II).

Une demande écrite. La demande est écrite et adressée par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception (par exemple par une lettre recommandée avec AR).

Contenu de la demande. La demande de transaction doit être motivée et doit comporter :

– le nom et l’adresse du demandeur en sa qualité d’employeur ;

– son numéro d’inscription lorsqu’il est déjà inscrit au régime général de sécurité sociale ;

– tous documents et supports d’information utile à l’identification des montants qui font l’objet de la demande ;

– les références de la mise en demeure couvrant les sommes faisant l’objet de la demande.

À quelles conditions ? Pour demander valablement une transaction :

– l’employeur doit avoir reçu de l’Urssaf la mise en demeure de régler les sommes réclamées ;

– l’employeur doit être à jour de ses obligations déclaratives et de paiement à l’égard de l’Urssaf (sauf pour les sommes visées par la demande de transaction) ou respecter à la date de la demande de transaction le plan d’apurement de ses dettes de cotisations sociales qu’il a souscrit auprès de l’Urssaf.

Procédure de conclusion d’une transaction

Réponse du directeur de l’Urssaf

Réponse de l’Urssaf dans les 30 jours. Si la demande de l’employeur est complète, le directeur de l’Urssaf a 30 jours pour l’accepter ou la refuser. Il doit notifier sa réponse à l’employeur par tout moyen lui conférant date certaine.

Demande incomplète. Si la demande de l’employeur est incomplète, le directeur de l’Urssaf doit lui adresser une demande de pièces complémentaires ; dans ce cas, le délai de réponse de 30 jours ne commence à être décompté qu’à partir de la réception par le directeur des documents manquants.

Attention ! Si le directeur de l’Urssaf ne reçoit pas les éléments manquants dans un délai de 20 jours suivant la demande de complément, la demande de transaction est réputée caduque.

Absence de réponse. Si le directeur de l’Urssaf n’a pas répondu à l’employeur (ou au demandeur) dans un délai de 30 jours, cette réponse est réputée négative. La demande de transaction est, en conséquence, refusée (CSS art. R 243-45-1, III).

Établissement de la proposition de transaction

Proposition de transaction élaborée par l’Urssaf . Si la demande de transaction de l’employeur est acceptée, le directeur de l’Urssaf établit une proposition de protocole transactionnel, conforme au modèle de proposition de protocole transactionnel, publié par arrêté interministériel du 8-10-2020 (JO du 20-10), qui comporte des concessions réciproques de la part des deux parties.

Montant de la transaction. Le montant de la transaction correspond à la différence entre le montant initialement notifié par l’Urssaf et le montant figurant dans la proposition de transaction (CSS art. R CSS art. R 243- 45-1, I-al. 3).

Mais pour autant, la réponse positive du directeur de l’Urssaf n’emporte pas droit à la transaction. Ce qui signifie que la procédure de transaction n’est pas terminée.

À tout moment, les parties peuvent abandonner cette procédure. Dans ce cas, chacune des parties doit en informer l’autre partie par tout moyen conférant date certaine à cette information. L’abandon de la transaction en cours de procédure n’a pas à être motivé.

Acceptation de la transaction par l’employeur. L’employeur doit accepter la proposition de transaction de l’Urssaf, notamment son montant et les concessions réciproques. Il doit confirmer son accord de transiger dans les termes de la proposition de protocole transactionnel en la signant.

Examen par la mission nationale de contrôle

 

Transmission pour contrôle et approbation de la MNC. La proposition de protocole transactionnel est soumise par le directeur de l’Urssaf pour contrôle et approbation à la mission nationale de contrôle et d’audit des organismes de sécurité sociale (MNC) (CSS art. R 155-1). Le directeur de l’Urssaf doit lui fournir tous documents et supports d’information utiles à l’exercice de sa mission (CSS art. R 243-45-1, IV).

30 jours pour approuver la transaction. La MNC dispose d’un délai de 30 jours à compter de la réception de la proposition pour approuver la transaction. Ce délai est prorogeable une fois. En cas de prolongation du délai, la MNC doit en informer le directeur de l’Urssaf.

Demande d’un complément d’information. La MNC peut demander des informations complémentaires au directeur de l’Urssaf. Dans ce cas, le délai de 30 jours est interrompu jusqu’à la réception par la MNC des informations demandées. Le directeur de l’Urssaf doit informer l’employeur de toute prorogation ou interruption du délai.

Que contrôle la MNC ? Le contrôle de l’autorité porte sur :

la conformité de la proposition de protocole transactionnel aux exigences légales (CSS art. L 243-6-5, I), à savoir que les créances, objet de la transaction, portent sur des majorations de retard et des pénalités, sur des éléments de l’assiette des cotisations dues concernant des avantages en nature ou en argent ou des frais professionnels ou des montants des redressements calculés en appli­cation d’une évaluation par extrapolation ou d’une taxation forfaitaire, que ces créances n’ont pas de caractère définitif et que l’employeur cotisant n’a pas commis d’infraction de travail dissimulé ou n’a pas usé de manœuvres dilatoires pour nuire au bon déroulement du contrôle ;

–– et sur la réciprocité des concessions faites par les parties.

Notification de sa décision. La MNC doit notifier sa décision au directeur de l’Urssaf. Le silence de la MNC à l’issue du délai de 30 jours vaut approbation de la proposition de transaction.

Transaction non conclue. Le refus de la MNC d’approuver la proposition prive d’effet la transaction et permet à l’Urssaf d’engager ou de poursuivre la procé­dure de recouvrement des sommes réclamées. De même, en cas de refus de l’Urssaf ou de l’employeur de conclure la transaction, l’Urssaf retrouve son droit d’engager ou de poursuivre le recouvrement des sommes notifiées dans la mise en demeure.

Portée et effets de la transaction

Portée limitée. La signature de la transaction n’est valable que sur les points qu’elle contient et règle. Elle ne remet pas en cause les motifs de redressement mentionnés dans la lettre d’observations, que l’Urssaf notifie à l’issue du contrôle (CSS art. R 243-45-1, VII). En conséquence, l’employeur doit se conformer aux observations de l’Urssaf pour la période postérieure à celle faisant l’objet de la transaction.

Attention ! À défaut, en cas de nouveau contrôle, si l’Urssaf constate que l’employeur ne s’est pas conformé à ses observations notifiées lors du précédent contrôle et que celui-ci a commis le même manquement, l’Urssaf pourra lui appliquer une pénalité de 10 % pour constat d’absence de mise en conformité (CSS art. L 243-7-6).

Fin des contestations. Une fois que la transaction est devenue définitive, après accomplissement des obligations qu’elle prévoit et approbation par la MNC, l’employeur ne peut plus engager ou reprendre de procédure contentieuse pour remettre en cause les points réglés par la transaction.

La transaction est opposable à l’Urssaf. La transaction conclue engage l’Urssaf. Si l’employeur change d’Urssaf en raison d’un changement d’implantation géographique de l’entreprise ou de l’un de ses établis-sements (par exemple, en cas de déménagement de l’entreprise), ou à la demande de l’Urssaf, l’employeur peut se prévaloir, auprès de la nouvelle Urssaf dont il relève, de la transaction conclue et qui est applicable (CSS art. L243-6-5, VI).

Conséquence du non-respect de la transaction. En cas de manquement de l’employeur à l’accomplisse­ment des obligations prévues dans la transaction, celle-ci devient caduque (CSS art. R 243-45-1, VI). En cas de défaut d’exécution de la transaction conclue, l’Urssaf retrouve son droit d’agir en justice. L’Urssaf peut former un recours devant le pôle social du tribunal judiciaire compétent, en exécution forcée de la transaction (C. civ art.1222), en résolution du contrat (C. civ. art. 1224 à 1230) ou par exception demander la réouverture du litige initial. Lorsque la transaction est devenue caduque, l’Urssaf peut engager ou poursuivre la procédure de recouvrement des sommes notifiées dans la mise en demeure.

Remarque : La transaction conclue engage l’Urssaf sur les points qu’elle règle, sauf en cas de non-respect de la transaction

Remarque : Transiger est impossible si les sommes redressées sont calculées en application des méthodes de vérification par échantillonnage et extrapolation (CSS art. R 243-59-2)

Remarque : Recours devant la commission de recours amiable

La possibilité de conclure une transaction sur un ou plusieurs chefs de redressement à la suite d’un contrôle Urssaf qui font l’objet d’un recours gracieux devant la commission de recours amiable (CRA) de l’Urssaf est suspendue à compter de la date de ce recours et jusqu’à la date de la décision de la CRA. Cette possibilité est rétablie à l’issue de cette période lorsque le tribunal judiciaire (pôle social) a été saisi (CSS art. L 243-6-5, III).

Remarque : Interruption des délais de saisine de la CRA et de recouvrement des cotisations

Dès réception de la demande de transaction par le directeur de l’Urssaf, le délai accordé à l’employeur pour saisir la CRA (délai de 2 mois à compter de la notification de la mise en demeure) est interrompu jusqu’à la notification, le cas échéant, de la décision du directeur de l’Urssaf de ne pas transiger. La demande de transaction interrompt également les délais applicables au recouvrement des cotisations et contributions de sécurité sociale faisant suite à une mise en demeure de l’Urssaf (CSS art. R 243-45-1, III).

Remarque : La réponse de l’Urssaf

La réponse apportée à la demande de transaction de l’employeur est laissée à la libre appréciation du directeur de l’Urssaf. En conséquence, l’Urssaf n’a pas à motiver sa réponse, qu’elle soit positive ou négative.

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